25 mars 2008

.
.
.
Contribution à l'étude du "Chic"
.


… Et, puisque l’on en raisonne,
Comme il y a des personnes
Il y a des endroits « chics »,
Journaux, restaurants, théâtre..
D’ailleurs, moins ils sont folâtres
Plus ils sont chics, copurchics.


Ainsi ce séjour de prince
Paris, est chic. La province
Ne l’est pas. Ai-je besoin
D’affirmer sur mon baptême
Que dans notre Paris même
Tel quartier l’est plus ou moins.

Les Vaudeville, Gymnase,
Même alors que l’on s’y rase,
Sont des plus chics. L’Odéon,
En revanche, est en province.
Je consens, si l’on m’y pince,
A finir au Panthéon.

La divine Comédie
Certains jours de « quoi qu’on die »
Est également chic
Mais le dimanche, par contre,
C’est l’endroit où l’on rencontre
Le plus grossier public.


Les restaurants à tziganes,
A tisanes, courtisanes,
Voilà de chics restaurants.
Mais cela dépend encore
De la bidoche incolore
Que l’on t’y vend mille francs.

Tu sauras, pour ta gouverne,
Que plus un gigot est terne
Et plus il sent le bétail,
Plus il est chic, et qu’il cesse
Se l’être, si, par sagesse,
Le chef l’a saturé d’ail.

Il n’est pas chic davantage
D’exiger pour ton potage
Une ombre du pot-au-feu.
Pour être chic, à ton risque,
Contente-toi d’une bisque
Que l’écrevisse orne peu.

Il est chic, quand sonne l’heure,
Et que la campagne fleure
Bon d’abandonner Paris
Pour cette vieille Province
Qui te semblait si mince,
Mais pas avant le Grand Prix.



Chic d’aller dans la montagne…
En Normandie, en Bretagne…
Aux Eaux, au bord de la mer,
Pourvu qu’on y casinote.
Moins chic si l’on se dorlote
Dans un petit trou pas cher.


Chic d’avoir une maîtresse ;
Comme d’or et de caresse
Richement l’entretenir,
Si ce n’est pas le contraire.
Mais à ce jeu téméraire
Un chacun n’y peut tenir.


Les sports sont chics. On se pique
De chic au Bois… à l’Hippique,
A Longchamps, à Chantilly.
On est chic au vernissage
De ces messieurs… au pesage
Où je n’ai jamais failli.



L’automobile est en passe
De couvrir le chic l’espace,
C’est le chic le plus nouveau.
Si tu n’as pas de machine
Capable d’aller en Chine,
En pétant… tu n’es qu’un veau.



RAOUL PONCHON

Le Courrier Français
27 avril 1902
.
.

Aucun commentaire: