25 mars 2008

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La fleur dans les hôpitaux
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Un Suisse a eu l’idée d’orner de fleurs
Les chambres d’hôpital.
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Trop de fleurs, disait Calchas. *
Je dis : pas assez, hélas !
On nous les ménage.
Cela fait-il pas rêver
De n’en point toujours trouver
Dans chaque ménage ?


Des fleurs, des fleurs, avant tout.
Des fleurs toujours et partout,
Jusque dans l’étable.
C’est encore le plus clair
De ce patelin d’enfer,
Le moins contestable.


Mettez-en sur vos chapeaux,
Sur vos lits, sur vos tombeaux,
Leurs grâces légères,
Qui défient celles des mots,
Adouciront tous vos maux
Toutes vos misères.
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C’est le langage de Dieu
Qui se répand en tout lieu,
Symbolique et tendre.
Il faut n’avoir point d’amour
Au tréfonds de son cœur pour
Ne pas le comprendre.


Dans la joie ou le malheur,
Aimez les divines fleurs,
Et croyez-en elles.
Soyez-en toujours dévots,
Et mariez aux leurs vos
Ames fraternelles.


Apprenez à vos enfants,
Dès leurs matins triomphants,
A chérir les roses ;
Ils y trouveront recours
Plus grands qu’en tous vos discours
Aux heures moroses.


Fleurissez également
Les lits, les appartements
De vos chers malades,
N‘attendez qu‘ils soient défunts
Pour les combler de parfums,
De couronnes fades.


* ...*


Un des jours de cet été
J’eus la curiosité
De voir un hospice
Tenu par - et pour le mieux -
Les frères Saint-Jean-de-Dieu,
Gens de sacrifice.


Or, cet établissement
Fut créé nouvellement
Pour les rachitiques,
Pour des sans bras et sans pieds…
Ou sans tête… estropiés
Et paralytiques.

Ce qui me surprit le plus
Chez ces êtres non élus,
Ce fut, je le jure,
De ne voir aucune fleur
Dans leurs salles de douleur,
La moindre verdure.

Comme je m’en étonnais
A qui me cicéronnerait,
Lui disant : « Mon frère,
Quelque fleur, ici, ferait
Des mieux, quand ce ne serait
Que pour les distraire. »


Il me dit d’un air subtil :
« Peuh ! Cela leur rendrait-il
Le membre qui manque ?
- mieux que le chirurgien,
Mon cher frère, crois-le bien.
Tant qu’à faire, tant que… »



RAOUL PONCHON

Le Courrier Français
07 sept. 1902
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