31 mars 2008

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TAN-TAI, ROI D'ANNAM
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Bien loin de notre macadam,
Au fin fond de l’Asie,
Il est, dit-on, un roi d’Annam
Rempli de fantaisie.

Or, rien n’étant rare aujourd’hui
Comme un roi fantaisiste ;
O Muse, parle-moi de lui,
Et que Bouddha t’assiste !

Nos souverains occidentaux
En général sont ternes,
Un peu rustauds, un peu patauds
Sous leurs habits modernes.

On peut en excepter pourtant
- Mais, est-il bien des nôtres -
L’homme malade, le sultan
Ignoble… mais, les autres

Ne sont que bourgeois enrichis.
Auraient-ils quelque verve,
Qu’ils sont, pour un tas de chichis,
Tenus à la réserve.

Leurs peuples leur montrent les dents
Et des regards sévères ;
Ils doivent vivre à peu près dans
Une maison de verre.

Tandis que ceux de l’Orient
- Je me suis laissé dire -
Rien ne les va contrariant
Au sein de leur empire.
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* ...*


Voyons donc comment se traduit
Chez ce jeune Annamite,
Le nommé Than -Taï, qui jouit
D’un pouvoir sans limite,


Cette vieille humeur que l’on dit ?
Il faut qu’on en réfère,
Avant que lui donner crédit.
Voyons ce qu’il sait faire ?

Eh bien, voici : Dans son sérail
Il a quatre cents femmes ;
Pour lui c’est du simple bétail,
Des pécores infâmes.


Encor, s’il leur faisait l’amour !
Mais l’amour le dégoûte.
Il ne leur tire… en son humour,
Que leur sang, goutte-à-goutte.

Parfois pour varier ses jeux,
Il te vous les débite
En morceaux. Pour elles, le mieux,
C’est de la mort subite.


Souvent, qui l’amuse beaucoup,
Quand il ne les dépèce,
Il les pend par la peau du cou
Et par la peau des fesses ;


Et puis, il les fait assaillir
Par des bêtes du Diantre,
Ce qui fait son cœur tressaillir.
Du même coup, il entre,


En cette délectation
Que nous nommons morose…
Et, par cette pollution
Il berce sa névrose.


RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
27 sept. 1906

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