17 mars 2008

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LE LION et LA TRUIE
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Un lion rencontra sur sa route une truie
Qui lui dit : « O mon roi !
Je sais pourtant un cas - tant pis si ça t’ennuie -
Où je prévaux sur toi.

« Regarde mes petits ; ils sont là dix ou douze…
Depuis déjà longtemps
Je ne les compte plus. Va dire à ton épouse
Qu’elle t’en fasse autant.

« Dix ou douze, mon vieux, et tous d’une ventrée,
Et gras et de bon poids ;
Tandis ta Majesté, je crois bien, n’en procrée
Qu’un ou deux à la fois. »

Le lion répondit : « Triple charcuterie,
Fais-en un million,
Si tu veux, moi je n’en ai qu’un, mais, ma chérie,
Du moins c’est un lion ! »
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*... *


Un jour, un Allemand - d’autres diraient Borusse
Disait à moi, Français :
« Vous n’êtes pas gentils pour l’alliance russe ;
D’où vous vient cet accès ?…

« Car, en somme; il appert d’après les statistiques
Aux chiffres triomphants,
Que vous faites en France, amoureux rachitiques,
De moins en moins d’enfants.


« Or, ils poussent chez nous et plus drus chaque année
Comme des champignons ;
Cette erreur des deux parts étant simultanée,
Qu’est-ce que nous craignons ?

« Si cela continue, et j’en ai l’espérance,
Avant peu, je crois bien,
Nous vous boulotterons, et cette pauvre France
Sera réduite à rien.



Il faudra pour la voir une bonne lorgnette,
Encor je ne sais pas
Si l’on la pourra voir. La moindre midinette
La franchira d’un pas… »

« Parbleu, vieux tafouilleux, ne te mets pas en peine
- Osai-je à ce Germain -
Pour aujourd’hui, mon cher, ta gloriole est vaine
Attendons à demain .

« Vous faites plus d’enfants que la mère Gigogne, *
Et nous, moins, je le sais ;
Mais les nôtres, vois-tu, c’est de belle besogne
Car ce sont des Français. »



RAOUL PONCHON
Le Journal
13 oct. 1903
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

on reconnait dans cette gazette l'esprit d'une époque nous donnant les conséquences que l'on connait. félicitations pour ce blog donnant à ceux qui en prennent la peine plus que les historiens, sans leur ôter leur mérite.