15 mars 2008

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LE BON DOCTEUR
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Au docteur Guérin, qui m’a fait cadeau
de quelques bouteilles de vin de la Comète. *
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Par ces temps de désastre
Où la fureur de l'Astre
Nous poursuit, jour et nuit,
Nous cuit, recuit ;
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Nous fusille, mitraille,
Nous bouffe les entrailles,
Et fait de nos gosiers
De vrais brasiers ;


Songez à ma pépie,
C’est faire une œuvre pie,
Un geste souverain,
Mon cher Guérin.


Quand on voit de ces riches
Qui vous laissent en friche,
Mourir de soif gratis,
Devant leur buis,


Sans même, en leur lésine,
Vous dire : a la cuisine
On te fera cadeau
D’un verre d’eau ;
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Toi, tu vas dans ta cave
M’y chercher du vin brave,
Derrière les fagots
Patriarcaux.

Ce n’est pas ordinaire,
Cela, nom d’un tonnerre,
Savez-vous bien, docteur,
Mon bon lecteur.


Et quel vin que le vôtre !
Devant lui je me vautre,
Je me mets entre nous -
A trois genoux.


Il s’en faut que j’omette
Qu’il est de la Comète,
Que le sachent ici
Ceux de Bercy !

Chaque fois qu’il y entre
Il me luit dans le ventre
Comme un petit soleil
Clair et vermeil.


Ainsi, docteur, vous n’êtes
Donc pas de ces mazettes
Qui disent à Ponchon :
« Vas à Luchon. »



Et vous croyez encore
Au bon vin qui restaure,
Cher ami, Dieu merci !
J’y crois aussi.

Que ne suis-je malade,

Ne suis-je en marmelade,
Ton vin me guérirait,
Guérinerait.

Mais comme je me porte
A ravir, il n’importe !
Je l’aime autant ainsi,
Tu parles, si…



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
07 août 1904

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