2 mars 2008

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LA JUPE-CULOTTE
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Une lectrice à moi (mais oui,
Tout peut arriver aujourd’hui),
Charmante, un peu boulotte,
Me demandait hier encor
Ce que je pensais, en mon for,
De la jupe-culotte.


Depuis longtemps, fort prudemment,
Je réservais mon sentiment,
N’ayant pas vu la chose
Ni même de tout l’évoquant ;
Je ne voulais en parler qu’en
Connaissance de cause.


J’ai donc, l’autre jour, ouvert l’œil,
Étant au pesage d’Auteuil.
A leurs périls et risques,
S’y trouvaient de beaux « mannequins »
En pantalons de marocains,
De chass’ d’Af, d’odalisques…
* *

Eh bien, mon avis, le voici :
Cette mode n’est pas aussi
Laide que j’entends dire
A quelques esprits suffisants.
On en vit de pires, et sans
Remonter à l’Empire.


Pourquoi faire tout ce fracas ?
J’aime bien mieux, dans tous les cas,
Et je trouve moins grave
Ce pantalon si décrié
Que ce chiffon d’estropié,
La robe dite entrave.
*

D’ailleurs, cela dépend beaucoup
Du gabarit, du tact, du goût
De celle qui le porte.
Si c’est des lots non réclamés
Qui veulent s’en voir costumés,
Le diable les emporte !



*
*... *


Mais ce pantalon, si plaisant
Aujourd’hui, demain on pressent
Qu’il sera ridicule.
J’en mettrais bien ma main au feu,
Si je n’avais pas quelque peu
La frousse qu’elle brûle.


Ces dames l’exagéreront.
Vous verrez ce qu’elle feront
De leur jupe-culotte…
Rien ne sera moins gracieux
Dessous la culotte des cieux…
Pardon, de la calotte.


C’est comme leur fougueux chapeau,
Qui, dans le principe, assez beau,
Devint d’une envergure
Telle qu’auprès un baldaquin
Semblerait le pauvre et mesquin
Pétase de Mercure.
*


*
*... *


Donc, cette culotte me plait.
Mais quoi ! c’en est fait des mollets.
Bonsoir, la compagnie.
C’était là nos revenants-bons
Pourtant, à nous, les vieux barbons,
Surtout les jours de pluie !



RAOUL PONCHON
Le Journal
27 fév. 1912
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