3 mars 2008

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ROSA-JOSEPHA
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Il n’y pas à dire,
Le goût tient du délire
Que les bons Parigots
Ont pour les monstres rares,
Les avortons bizarres
Et les pires magots,


Les culots de gargousse,
Les nabots, les Tom Pouce
Pas finis ou ratés,
Les vivants phénomènes,
Hors des normes humaines
Plus ou moins déjetés.


On se souvient encore
De cette mandragore,
Le fameux Little Tich,
Quand il faisait la folle
En habit d’Espagnole…
Vrai rêve de haschich !


L’homme-chien eut sa gloire
(De pileuse mémoire),
Tous ceux de Tout-Paris
Vinrent voir cette brute
Atrocement hirsute.
Que dis-je ? Moi compris.

Vous savez aussi comme
On en pinça pour l’homme
A la tête de veau,
Voyant en lui, sans doute,
L‘homme futur en route,
Si ce n’est l’art nouveau.
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Ce fut de la folie.
On vit les plus jolies
Femmes (rappelez-vous)
En devenir malades,
Lui lancer des œillades,
Voire des billets doux ;


Et les hommes, plus calmes,
Demandèrent les palmes
Pour lui, de bonne foi,
Qu’il n’obtint pas, du reste,
A ce que l’on m’atteste ;
Je ne sais pas pourquoi.


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* ...*


Aujourd’hui , quelle veine !
Un autre phénomène,
Qui, chez nous, s’exhiba
En plus d’une soirée,
Jadis, fait sa rentrée :
C’est Rosa-Josepha.


Elles sont deux et une,
Soit deux sœurs d’infortune
Formant un tout hideux,
Ou le diable m’emporte !
N’ayant, en quelque sorte,
Que trois fesses pour deux !


Ce monstre pysopage
Revient en équipage
Plus nombreux que devant,
Puisque (c’est triste à dire)
Il s’est trouvé tel sire
Pour lui faire un enfant.



Ainsi donc, ce rare homme,
Ce satyre, ou tout comme,
Eut le cœur ravagé,
Un soir, au clair de lune,
Par la beauté de l’une
(Disons propagé).

Mais, comme dit l’adage
De je ne sais quel sage,
Le cœur a ses raisons
Que la raison ignore ;
L’amour peut faire éclore
Toutes combinaisons.

En dernière analyse,
Voilà qui réalise
(Les dieux me soient témoins)
La pire des chimères :
Un enfant de deux mères,
Dont une tante, - au moins !

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RAOUL PONCHON
Le Journal
05 sept. 1910

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Little Tich :
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