1 mars 2008

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CLOTURE ANNUELLE
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Quel est donc, là-bas, cet homme
Qui court, comme
S’il avait, le poursuivant,
Tout une sombre guêpière
Au derrière ?
Où court-il comme le vent ?

Cet homme, c’est un artiste…
Dieu l’assiste !
Et que s’il va d’un tel train
C’est qu’il part pour ses vacances,
Et, je pense,
Ne veut pas manquer le train.

Ah ! Diable ! Et sans doute il gagne
La campagne ?
Par ma foi, c’est bien son tour ;
Car, pendant six mois, peut-être,
Le pauvre être
A travaillé comme un sourd.

Ses vacances ! C’est pour rire…
Qu’est-ce à dire ?
Non, lecteur. Je vous promets
Qu’un artiste, soit tragique,
Soit comique,
Ne se repose jamais.
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L’artiste, hors de la scène,
Vit à peine.
Quand il en sort, aussitôt
Le jour lui fiche des crampes.
C’est la rampe
Et c’est le gaz qu’il lui faut.

Sa corvée est écrasante,
Épuisante,
Mais il n’en croit pas un mot,
Quand de sa verve il amuse,
Il méduse,
La foule, ce grand marmot.

Il n’est jamais en balade,
Ni malade ;
Il n’a pas le droit d’abord…
C’est pourquoi quand Paris ferme,
D’un pied ferme,
Il exerce ailleurs son sport.

Je suppose que, pour une
Cause ou une
Autre, son guignol soit clos…
Il est comme une baleine
Dans la plaine,
Comme un poisson hors des flots.


Voilà toute sa soirée
Chavirée…
Il va donc la dédier
A quelque sien camarade
Sur l’estrade,
Et juger de son métier…

Ah ! vous croyez que l’artiste,
S’il insiste
Pour obtenir un congé,
C’est aux fins d’une sieste ?…
Malepeste !
Il vous est bien obligé !…




RAOUL PONCHON

Le Journal
01 juin 1912
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