25 févr. 2008

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SAINT FORTUNAT
PATRON DES CUISINIERS (?)
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Fête le 14 décembre.



Saint Laurent fut un grand martyr,
Les païens le firent rôtir
Hélas ! comme une simple viande,
Ou mieux, le mirent sur le gril -
Ce dont il ne fut guère aigri,
Car, si j’en crois une légende,

Il aurait même plaisanté.
Se trouvant trop cuit d’un côté
Au bout de cinq à six minutes,
Il dit : « Messieurs, retournez-moi,
Sinon, je croirais, sur ma foi,
Que jamais de pitié vous n’eûtes ! »

Si c’est parce que notre saint
Mourut, comme Guatimozin,
Sur ce matelas un peu glabre,
Que vous vous réclamez de lui,
O cuisiniers ! c’est inouï,
Votre ironie est bien macabre !

En outre, ce n’est pas Laurent,
Absolument indifférent
A l’art culinaire, si j’ose -
Votre vrai patron, cuisiniers,
Mais, il faut que vous l’appreniez,
C’est saint Fortunat, et pour cause…

*
* ...*


Fortunat était à Poitiers
Évêque, en l’an où le moustier
Fondé par sainte Radegonde
Florissait et battait son plein.
Il en devint le chapelain,
Ce que vous dira tout le monde.


C’est lui l’auteur du « Vexilla
Regis » et du « Pange lingua »,
Je vous le dis tout à la douce ;
Je le sais sans être fier,
Ne l’ayant appris que d’hier,
En feuilletant mon vieux Larousse


Il avait un péché mignon,
La table ! Le bon compagnon !
Et voyez, en façon dernière,
Comme tout s’arrange vraiment,
S’il était quelque peu gourmand
Elle était bonne cuisinière.

On peut être un saint - n’est-ce pas -
Sans faire fi d’un fin repas ?
Radegonde avait l’habitude
De combiner maint petit plat
Qui causait à notre prélat
Des instants de béatitude.


Alors il tenait des propos
Éminemment épiscopaux
Qui ravissaient la sainte femme ;
Et tout se passait pour le mieux,
Pour la plus grande gloire de Dieu
Et pour le salut de leur âme !


Et non seulement mon gourmet
Dégustait ces plats qu’il aimait,
Mais il les chantait sur sa lyre,
En des poèmes inspirés,
Sachant passer des vers sacrés
Aux profanes - si l’on peut dire ?…

Et ce Fortunat fortuné
Et Radegonde ont cuisiné
Jusques à leur heure dernière.
C’est pourquoi nous considérons
Que ce sont là vos vrais patrons,
O cuisiniers et cuisinières !



RAOUL PONCHON
Le Journal
16 déc. 1912

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