20 févr. 2008

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LE MAUVAIS AMPHITRYON
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M. Taft, le nouveau président des États-Unis a déclaré qu’on ne boirait jamais de vin à sa table.

Voyons, ça n’est pas sérieux,
O Taft, mon petit père. *
Je m’en rapporte à ces messieurs :
Vous plaisantez, j’espère.

Eh quoi ! vous parlez de bannir
Le vin de votre table !
Du coup , vous m’en voyez hennir.
Mince de confortable !


Parbleu ! Voilà qui sera gai
Pour vos hôtes illustres,
S’ils n’ont que de l’eau, jarnigué !
A boire sous vos lustres.


Chez vous, monsieur Taft, nonobstant,
La chère sera bonne,
Je n’en doute pas un instant ;
Mais, comme dit ma bonne,


Qui condamne cette même eau :
« Vous pourriez bien leur faire
Manger du singe, du chameau,
Ou de tel mammifère…

« Tout passera dans leurs gosiers
Sans qu’ils y prennent garde,
Ce, pourvu que vous l’arrosiez
Non de votre eau blafarde,

Mais de quelque bon vin ayant,
Disons-le, de la branche,
Sans quoi, vous n’aurez nul client
A votre Maison-Blanche. »
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*... *


Fi d’un dîner, mon président,
Où le vin ne pénètre,
Serait-il cent fois abondant…
Vous devriez connaître

Que le plus splendide repas
Sans quelque vin de France
Est tout comme s’il n’était pas.
C’est de l’incohérence.

Et puis, on connaît vos Yankee.
Ils aiment, on veut croire,
Autant comme n’importe qui
Notre vin péremptoire.

Si vous aimez l’eau, buvez-en,
Vous, ainsi que les vôtres…
Mais je vous trouve assez plaisant
De l’infliger aux autres.

Je ne vois pas, sur le moment,
Notre excellent Fallières,
Dont la table est assurément
Des plus hospitalières,

Mettre nos seigneurs, un seul jour,
Au régime aquatique.
Il serait perdu sans retour…
Adieu la République !

L’eau, monsieur Taft, a toujours tort
En les pires agapes ;
Il y faut du vin, tout d’abord,
Rutilant sur les nappes.


Que l’eau fasse son entrée à
L’heure du rince-bouche,
Mon Dieu ! Rien à dire à cela ;
Encore je n’y touche.

Un verre de vin, croyez-moi,
Remplit le même office.
Alors, je ne vois pas pourquoi ?…
Et c’est tout bénéfice !


RAOUL PONCHON
Le Journal
22 fév. 1909
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