18 févr. 2008

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ELECTION ACADEMIQUE
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Jean Richepin a été élu par dix-huit voix.
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Je m’étais fait jusques ici
Une idée assez folle
Des quarante mamamouchis
Siégeant sous la Coupole.

Souvent même, dans mes papiers,
J’en ai dit pis que pendre.
Papiers qui sont chez les fripiers,
D’ailleurs, ou mis en cendres.

Je me disais : ils vont datant
Des anciens régimes,
Je tiens donc pour un fait constant
Qu’ils sont tous cacochymes

Et gâteux, vêtus en pivert…
Mais ça, nul ne l’ignore,
Une sorte d’abat-jour vert
Plus ou moins les décore

Ils ont, étant sourds tels des pots,
Un cornet acoustique
Pour s’entendre dans leurs propos ;
De plus, un domestique

Est assis auprès de chacun.
Il lui rentre la langue
Si, dans un but inopportun,
Elle sort de sa gangue…

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*... *

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Eh bien, je me montais le coup
Sur leur décrépitude ;
J’étais dans l’erreur jusqu’au cou,
Selon mon habitude.

Ils sont jeunes, je les ai vus ;
Charmants jusqu’au délire ;
De toutes qualités pourvus.
Ils ont, ça va sans dire,


Tous énormément de talent,
En leur hégémonie.
Et, tout d’abord, au premier plan
Dix-huit ont du génie !


Et la preuve, c’est que, parmi
Un tas de bons poètes,
Ils élirent un mien ami.
Sans doute, je souhaite

A ces autres d’en être, un jour,
De cette Académie,
Et donc applaudis à leur tour
Par une main amie.

Mais, après tout, chacun le sien.
Un jour l’un, un jour l’autre.
J’ai mon académicien.
Tâchez d’avoir le vôtre…

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* ...*



Je n’y vais pas par quatre chemins,
Je n’en peux rien rabattre :
J’applaudis le mien des deux mains,
Que dis-je ? De mes quatre…

Je pousse même à tous moments
De nombreux cris de joie.
D’aucuns disent des hurlements !
Hé ! Faut-il que j’aboie ?


Je dis qu’en nommant Richepin,
Ils ont eu le beau geste.
C’est un véritable chopin
Qu’ils ont fait là, du reste.

Ils pourront, sans peur d’être induits,
Avec ce galant homme,
Jouer à la mourre, la nuit,-
Comme on disait à Rome.

Dirai-je le poète aussi ?
Je n‘ose me permettre…
Ce n’est pas à l’élève, ici,
A parler de son maître.


RAOUL PONCHON
Le Journal
09 mars 1908
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