16 févr. 2008

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REPONSE AU ROI
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Les français sont ridicules, à cause des louanges qu'ils se donnent eux-mêmes.
le roi LEOPOLD

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Sire, en affirmant que ces
Abominables français
Sont infatués d’eux-mêmes,
Sans doute, vous vous moquez.
Mais nous n’en sommes choqués.
Ce sont là des blasphèmes…


Je sais des peuples plus fiers
Que le nôtre, en l’univers,
Si vous voulez me permettre…
Ne nous venant qu’au genoux,
Et qui n’ont pas comme nous
Les mêmes raisons de l’être.

Et puis, qu’est-ce que ça fait ?
Quand nous croirions, en effet
Être des gaillards suprêmes,
Des êtres mystérieux ?
Qui diable pourrait donc mieux
Nous louanger que nous-mêmes.


De plus, quoi qu’en pense Hervé,
Dont j’ai toujours réprouvé
La fâcheuse théorie,
De quelque pays qu’on soit,
Il semble qu’il va de soit
D’être fier de sa patrie.



Je ne suis pas plus chauvin
Que tel autre, ni plus vain ;
Et si je dis que la France
Est un pays épatant,
L’étranger en dit autant
Du sien. Pas de différence.


Tous les peuples en sont là.
Ils font le même flafla
Sous l’une et l’autre tropiques.
Ils se croient tous des « Messieurs »,
Ceux-là qui sont spacieux
Comme les microscopiques.

Je suis sûr que Monaco
Nous trouve un peu rococo ;
Cependant que l’ample Chine
Se dit la fille du Ciel
Et le peuple essentiel
Sur notre « ronde machine ».

Les Anglais, les Allemands,
Sire, ainsi que vos Flamands,
Sont d’un orgueil qui redonde ;
Et les Japonais - tu sais -
Depuis leur dernier succès
Font quelque foin dans le monde.


Mais chaque peuple, ma foi,
Peut avoir l’orgueil de soi
Jusques à la vantardise,
Et c’est bien indifférent.
Il s’agit, au demeurant,
De vendre sa marchandise.

Donc, tout en faisant nos trocs
Soyons fiers comme des coqs ;
Levons hardiment la tête,
Mais chacun sur son fumier,
Tous.
Et qu’on nous embête !
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RAOUL PONCHON
Le Journal
25 nov. 1907
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