14 févr. 2008

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Dieu ne protège plus la France
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Ironie magnifique ... .
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Ces messieurs l’ont décidé ainsi.
(Officiel)

Depuis qu’un grand tourneur des sphères
Notre hideux Gouvernement
A fait défense absolument
De se mêler de nos affaires,
Tout marche-t-il plus congrûment ?
Non. Et malgré son ingérence,
Il en allait tout autrement,
Lorsque Dieu protégeait la France.


Messieurs, entendons-nous, de grâce,
N’est-ce pas vous, nos élus,
De nous protéger à sa place.
Si Dieu ne nous protège plus ?
Et de pourvoir à nos statuts,
Sur terre, au moins, en l’occurrence ?
Car vos soins étaient superflus,
Lorsque Dieu protégeait la France.

J’ignore, et je m’en félicite,
Vos raisons d’État, ou quasi,
Étant le pire Amalécite
En ces questions, Dieu merci !
Mais je puis constater ceci,
C’est que la vie était moins rance,
Et l’air plus respirable aussi,
Lorsque Dieu protégeait la France.


Vous avez - ce n’est un mystère
Pour personne - éteint dans les cieux
Des lumières ! Mais quoi, Messieurs ?
N’éteignez donc rien sur terre.
Or, si j’en crois mes pauvres yeux,
Vous n’éclairez qu’en apparence.
Tout de même on y voyait bien
Lorsque Dieu protégeait la France.

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Seigneurs de la Chose Publique,
Si, par hasard, je connaissais
Que vous servez la République,
Je vous ferais un beau succès.
Mais votre âme, au fond, je la sais,
Elle n’est que machiavélique.
On était cent fois plus Français,
Lorsque Dieu protégeait la France.


Notre sort tous les jours empire,
Au fur des divers présidents
Qui depuis le troisième empire
Nous servent de pires godans,
Les impôts comme les chiendents
Pullulent jusques à l’outrance.
On vivait moins de cure-dents,
Lorsque Dieu protégeait la France.


Vous nous prenez pour des ganaches,
Pour de la chair nulle, c’est clair.
Et sous votre règne d’apaches,
Aussi bien été comme hiver,
Paris est la cité d’Enfer
Où l’on laisse toute espérance.
On circulait sans revolver,
Lorsque Dieu protégeait la France.


Aujourd’hui plus qu’hier encore,
On décore des scélérats :
Des racines de mandragore,
Des andouilles, et caetera…
Des fripouilles, des choléras…
Oui, mais voici la différence ;
On aurait décoré Sarah,
Lorsque Dieu protégeait la France.


Nous respirons un air laïque
C’est vrai, car vous l’avez voté.
Vous avez d’un geste héroïque,
Supprimé la Divinité.
C’est très beau. Mais, tout bien compté,
On avait plus de tolérance,
En ces jours de prospérité,
Lorsque Dieu protégeait la France.


Enfin depuis, j’ose le dire.
Qu’un nouveau régime nous luit.
Il semble que la vie expire
Dans le plus insondable ennui,
Dans la mouise et le cambouis.
Et puis - c’est d’où vient ma navrante -
J’étais moins chauve qu’aujourd’hui,
Lorsque Dieu protégeait la France !



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
17 janv. 1907

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