12 févr. 2008

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AU SALON DES HUMORISTES
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O dessinateurs, artistes
Humoristes, *
Grâce à vous donc, nous allons
Passer chez vous quelques heures
Bien meilleures
Qu’on ne fait aux deux Salons.

Vous nous apportez, mes maîtres,
Non de piètres
On vastes tableaux confus,
Mais de la joie et du rire,
Du délire,
Et ça n’est pas de refus.

Vous prenez hommes et choses,
Si moroses
Qu’ils soient, par le bon côté ;
Vous nous les rendez aimables, estimables ;
Voilà de la charité.

L’époque est si fort hostile,
Et fertile
En monstres sans précédents,
Qu’il vaut mieux rire des mufles
Des tartuffes
Que pleurer, c’est évident.
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Aussi bien que vos synthèses
Nous font aises,
Quand vous faites leur portrait,
Notant leur plus minuscule
Ridicule !
Vous nous en vengez d’un trait.

Ah ! cinglez de vos satires
Les satyres
Et les méchants, et les sots !
Vous userez, belle affaire !
A ce faire
Vos crayons et vos pinceaux.


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* ...*


Las, vous tombez, d’aventure,
Dans l’ordure,
Et l’obscénité parfois…
Pourquoi ? La pornographie
Atrophie
Notre vieux genre gaulois.

Laissez aux cartes postales,
Si brutales,
Leur rare immondice
Jamais une gravelure
Ne figure
Dans une œuvre de beauté.


Vous êtes aussi féroces
Parfois, rosses.
Il en est même parmi
Vous qui pour faire un mot drôle,
- Est-il drôle ? -
Sacrifierait un ami.

O fantaisistes, terribles,
Qu’en vos cribles,
Vous passiez l’humanité.
Vous n’en gardez que les tares,
Les escarres ;
Si c’est là votre santé,

Allez-y. Les affreux hommes
Que nous sommes,
S’en moquent. Mais, vous avez
Aussi la caricature
Un peu dure
Pour les femmes, vous savez ?…

Il faut respecter la femme.
La pauvre âme
Y met plus de passion ;
Et l’épigramme cruelle
Est pour elle
Une atroce obsession.


RAOUL PONCHON
Le Journal
27 mai 1907
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