22 janv. 2008

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POETE ERRANT
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Si vous croyez que la fortune
Qui me garde - de quoi ? - rancune
A rendu le pauvre rimeur
Maussade ou de mauvaise humeur ,


Ou bien si vous croyez encore
Que je ne puisse voir éclore
Le bonheur sans être jaloux,
O chers heureux, détrompez-vous.

Je suis joyeux de votre joie ;
Et si la fortune vous choie
Je lui dirai merci tout bas.
D’ailleurs, je ne sais même pas


Si je voudrais, comme dit l’autre,
Changer mon sort contre le vôtre :
Car moi je n’ai pas à tenir
Des comptes à n’en plus finir.

*
* ...*


Oh ! quelle existence assouvie
On se ferait avec la vie
Que vous perdez, insoucieux
Enfants, sous la vote des cieux !


Dans les bois, pilleurs et faneuses,
Vous laissez maintes fleurs fameuses
Dont je ne puis faire un bouquet
Singulièrement coquet !

Lorsque la nuit étend ses voiles,
Vous ne voyez que vos étoiles,
Les amoureux au firmament
Fleurir miraculeusement.


J’ai la mienne aussi, plus discrète
Humble comme une pâquerette ;
Et je suis sûr de la trouver
Me souriant à son lever.

La lune de la même neige
Me baigne encore et me protège,
Et j’entends les mêmes concerts
S’éveiller dans les mêmes airs.

Si Rothschild se nourrit de piastres,
Moi, je puis décrocher des astres,
Eh ! mon Dieu, oui - quand je le veux,
Aussi vrai que j’ai des cheveux.

Je n’ai donc pas lieu de me plaindre,
Et si je ne puis tout atteindre
J’ai du moins la félicité
D’ignorer la satiété.

Une certaine fantaisie
Inconnue de la bourgeoisie
Me permet de m’imaginer
Que j’ai toujours de quoi dîner.

Si mon cœur quelquefois s’élève
Vers l’idéale mer du Rêve,
J’invente alors des paradis
Que je peuple de mes amis.

*
* ...*



Bien qu’elle soit pour moi mal faite,
La vie est encore une fête :
J’adore son baiser vermeil,
Comme j’adore le Soleil


Dont les bons yeux semblent me dire :
- De même que tu me vois rire
Sur la vigne et sur la moisson
Je veille sur toi, mon garçon.



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
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