21 déc. 2007

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REVUES DE FIN D’ANNEES
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Aristophane fut le premier revuiste.
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Ah ! Comme vous avez raison,
Messieurs les revuistes,
De venir en cette saison
Chasser nos pensers tristes !

Jamais autant comme aujourd’hui
On n’eut besoin de rire
Et de sortir de cette nuit,
Où notre esprit chavire.

Pour moi, théâtreux relatif,
La Revue, à vrai dire,
Est le genre superlatif,
Étant toute la Lyre.

Car elle se prévaut, c’est clair
C’est sa gloire suprême,
Des neuf filles de Jupiter
Et d’Apollon lui-même.
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*... *


Elle vous rend d’abord dispo.
Elle est, par excellence,
Un spectacle de tout repos,
Malgré sa turbulence.

On y trouve, sans grands discours
Et sans nulle défaite,
Le plus souvent, sinon toujours,
La scène à faire et… faite.

Or, combien d’auteurs, nonobstant
Leurs formules compactes,
Ne vous en servent pas autant
Le long de trois grands actes.

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* ...*

Elle peut passer aisément,
Le temps de prendre un verre,
C’est-à-dire dans le moment,
Du plaisant au sévère.

Tel Cid s’y mêle à Lustucru,
Et l’âpre tragédie
A la farce ; le qu’il mourût
Avec le quoi qu’on die.

On y peut donner, Dieu merci !
Mainte entorse à l’histoire,
Et puis la raconter aussi,
Au besoin, péremptoire
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Voire, un seigneur sur le plateau.
Et qu’on n’attendait guère,
Se présente, mettons trop tôt,
Ou trop tard, belle affaire !

Pourvu qu’il chante sa chanson
Selon sa compétence…
Et, s’il ne peut émette un son,
Il la mime ou la danse.


Qu’importe, de plus, un seigneur
Que rien ne justifie ?
Ça se passe au petit bonheur,
Ainsi que dans la vie.

*
*... *

Quelques-uns veulent m’opposer
Cette vieille rengaine,
Le théâtre qui fait penser !…
C’est bon pour la migraine.

Je m’en fiche bien de penser ;
Quand je vais au théâtre
Ce n’est que pour me délasser
Des soucis de mon âtre.

*
* ...*



Parfois, en d’acerbes refrains,
Le cruel revuiste,
Sur tels de ses contemporains
Un peu trop fort insiste…

Mais quoi ! Par les grands dieux témoins,
Ce vieil Aristophane
Dauba sur Socrate, pas moins,
Cette âme diaphane.

Cela ne diminue en rien
L’excellent philosophe.
Donc, n’y prends garde, homme de bien
Si l’auteur t’apostrophe.



RAOUL PONCHON
Le Journal
23 oct. 1911





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