20 déc. 2007

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ECHEC au BOIS
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Tu n’as pas, je m’empresse…
Une très bonne presse,
Un très bon boulevard
Mon vieux Bouvard.

Avec un rare ensemble,
Ton projet, il me semble,
De massacrer le bois
Met aux abois

Nos rêveurs, nos poètes,
Journalistes, esthètes,
Et des plus déférents.
Qu’est-c’que tu prends ?…

Mais aussi quel gâtisme !
Quel sombre fanatisme !
Couper hideusement
Ce Bois charmant !

Sache, homme sans vergogne,
Que le bois de Boulogne
N’est pas un simple bois.
Il est le Bois !


Le Bois par excellence,
Et que tout homme en France
Écrit avec un grand B
Deux fois bombé ;

Par un O grand module,
Par un
I majuscule,
Une
S longue, ma foi,
Comme un Boa.

Ce Bois est la féerie
Et la coquetterie
De notre vieux Paris.
C’est comme si

Il est en la parure
Voire à la chevelure.
Toucher à celle-ci
C’est comme si

En ton ardeur païennes,
Tu me coupais la mienne
Aux enfants d’Édouard,
Brave Bouvard.
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* ...*
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Las ! Je crois bien, messire,
Parler pour ne rien dire ;
Et tous nos beaux discours
Seront trop courts.

Va donc. Coupe tes arbres,
Et plante nous des marbres,
Des pierres de rapport…
Disons d’abord


Que, s’il n’est pas le nôtre,
C’est un sport comme un autre.
Des maisons, il en faut
Et tirlifaut.

Pour loger tout le monde,
Il convient qu’on émonde
Et rase aussi parfois
Les bois, le Bois !

Mais un souci me pèse :
Ferais-tu de la braise
De tout ce bois coupé ?
Et recoupé ?


Ah ! Je crois te comprendre.
Tu ne saurais le vendre.
Non, tel - par Belzébuth !
N’est pas ton but.


Car tu veux, pitoyable,
En faire aux pauvres diables
Des bûches pour Noël.
Ça qui est bel !


RAOUL PONCHON
Le Journal
18 sept. 1905
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