4 oct. 2007




Noeud

Ce qu'il y a de meilleur dans l'homme
c'est le chien.
(Sagesse des nations)




Dans notre ville de Lutèce,
Il était une fois un chien
Bizarre et d'une folle espèce,
Maupiteux et pauvre combien !

Il était né dans une rue
Bien sûr, et, l'on veut croire aussi
D'un canard et d'une morue,
Et tenant des deux, dieu merci !

Et ne croyez pas qu'il fut bête,
Malgré qu'on l'eût baptisé Noeud,
C'était au contraire un poète
D'un entendement fabuleux.

Il ne connaissait pas de maître,
- C'est bien quelque chose cela, -
Et vivait de façon champêtre,
Tantôt par-ci, tantôt par-là.

Il allait, les mains dans ses poches,
Pitancher dans les bons endroits,
Car les restaurants sans reproches
Il les eût comptés sur ses doigts.

L'été, sous les belles étoiles,
Il roupillait dans les fortifs,
Et durant l'hiver glaçait ses moelles.
Il allait chez les gens comme i'f' ;

Car Noeud étant un très brave homme
De chien, tous les Parisiens
L'adoptaient tour à tour ; en somme
C'était le plus heureux des chiens.


*
* *

Un jour, un Lozé plein de rage,
Qui ne rêve que paste et sang,
Ordonna le hideux carnage
De tous les cabots innocents.

On vit aussitôt par la ville
Se répandre des milliers
Et des cents de sergents de ville
Qui tuaient nos chiens familiers.

Au bout d'un temps de ce manège,
Il ne restait plus à Paris
Deux chiens. On s'eût dit sous le Siège ;
Seul le bon Noeud ne fut pas pris.

On le poursuivit sans relâche
Pourtant. Mais allez-y donc voir.
Les policiers, ces grands lâches,
Couraient trois mille pour l'avoir.

Mais quelle que fût leur manoeuvre,
Ils ratèrent ce malheureux
Noeud qui plus vif qu'une couleuvre,
Se trouvait toujours derrière eux.

Après des mois et des années,
De fatigue ils étaient tous morts,
Excepté, les pattes vannées,
Ce pauvre Noeud qui vit encore.

Mon Dieu, il y a quelques entorses
De plus, et voyez ce que c'est :
Il a aussi les pattes torses,
Car il est devenu basset.


Depuis, il a repris ses rondes,
Il pisse et fait un peu partout,
Il vous emmerde tout le monde.
Foutez-lui la paix, voilà tout.



RAOUL PONCHON
Courrier Français
19 juin 1892

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Notre ami Ponchon se serait-il inspiré
du poème de son ami Jules Jouy ?
Probablement... voyez :




LA QUESTION DES CHIENS
Opinion de Bibi
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A Toumine John
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M'sieu Loze, not' préfet d'police,
Contre les cabots entre en lice.
Il paraîtrait que tous les maux
Nous vienn'nt de ces brav's animaux.
J'dis qu'il a tort de fair' des niches
A nos bons amis les caniches.
Y' a qué'qu'un qu'offre plus d' danger :
C'est l' brav'général Boulanger.
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Les chiens, errant à l'aventure,

N'aspirent pas à la dictature.
Quelque temps qu'il fass', chaud ou frais,
lls ne voyag'nt pas à nos frais.
Ils ont un' conduit' polissonne ;
Mais, quoi, ça n' fait d'mal à personne.
Y' a qué'qu'un qu'on d'vrait attacher :
C'est l' brav' général Boulanger.
.
«Les chiens mord'nt», dit-on ; c'est un' craque :

I's n'mord'nt que c'lui qui les attaque,
Et puis, i's sont très rigolos,
Quand ils se dis'nt bonjour dans l'dos.
Leur voix, à tort' on la critique :
I's n'aboient pas d' la politique.
Y' a qué'qu'un qu'on devrait mus'ler :
C'est l'brav' général Boulanger.
.
La polic' les pig' par derrière,

Pour les conduire à la fourrière.
D'vant la rousse, i's sont nos égaux,
Car, leurs bêt's noir's c'est les sergots.
Au lieu de conduire à la chaîne,
Ces copains de la race humaine,
Y' a qué'qu'un qu'on devrait piger :
C'est l'braY' général Boulanger.
.
De pitié j' sens mon cœur se fendre,

Quant, comm' des bandits, j'les vois pendre.
S' passant d' cour d'assis's et d' jurés,
On les execut' sans curés.
L' bourreau, sans tambour ni trompette,
Leur-y serre la margoulette.
Y' a qué'qu'un qu'on d'vrait nettoyer:
C'est l' brav' général Boulanger.
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Jules Jouy
12 juillet 1888

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