.
.
.
UN CRIME BIEN PARISIEN
.
Vous entendez des « fourneaux »
De première classe
Se plaindre que les journaux
Font trop large place
Aux crimes, aux criminels,
A leurs faits et gestes…
Des chichis contre lesquels
Le public proteste.
Vraiment, c’est parler de chic,
Ce sont là des frimes,
Car rien ne plait au public
Autant que les crimes.
Les journaux auraient bien tort
D’épargner leur zèle…
Ils doivent plaire d’abord
A leur clientèle.
*
* *
Or, chaque jour, au réveil,
Aucun qui ne veuille
Lire du drame Steinheil *
Ce qu ‘en dit sa feuille.
Il ne lit même que ça,
Faisant fi du reste.
Et plus il en a, plus sa
Joie est manifeste.
Et ledit drame, en effet,
Absurde, imbécile
Et sinistre, satisfait
Le plus difficile.
Des drames de du Terrail *
Le public raffole ;
Mais, à tout prendre en détail,
Quelle rocambole
A côté de celui-ci,
Qui vous interloque
Et vous abrutit aussi,
Mettons, vous, Sherlock que…
On n’en connaît pas encor
Auteurs ni complices.
On a posé le décor,
Voire les prémisses.
Les acteurs sont quelques-uns,
Sans compter le… pouce.
Et rien n’y manque, hommes bruns
Et la femme rousse !
Des seigneurs mystérieux
Plus ou moins comparses,
Dont certains sont odieux
Et les autres farces…
J’allais laisser dans l’oubli
Cette inénarrable
Et vague tante Lily
Au cœur innombrable.
Et comment finira-t’il
Ce drame, ô ma lyre !
Celui-là serait subtil
Qui pourrait le dire.
Quant à vous, qui vous plaignez
Qu’on parle de crimes,
Allons donc ! vous en prenez
Pour vos cinq centimes.
Raoul Ponchon
Journal 07 déc 1908
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire