3 oct. 2007

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TOAST à SARAH
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Près de 500 convives du tout Paris de la littérature, des arts et des salons se sont réunis pour honorer Sarah Bernhardt. Au programme : déjeuner au Grand Hôtel, toast unique de V. Sardou , interprétation de l'hymne à Sarah de G. Pierné sous la conduite d'E. Colonne ; au théatre de la Renaissance, S. B. joue le deuxième acte de Phèdre et le quatrième acte de Rome vaincue de M. Parodi ; les poètes F. Coppée, C. Mendès, A. Theuriet, E. Rostand et E. Haraucourt disent des sonnets composés en son honneur.

( l’auteur suppose que le banquet eut lieu après la représentation. )


O notre chère idole,
Notre passion folle,
Notre voix d’or et d’art
Sarah Bernhardt.

Las ! Je n’ai pas le verbe
Pour vous assez superbe,
Ni l’accent précieux
De ces messieurs,

Mais Mendès, mais Coppée
Ont dit votre épopée ;
Puis Haraucourt, Rostand
Le bien chantant ;

Puis c’est Armand Silvestre,
Theuriet le sylvestre,
Rt José-Maria
De Heredia.

Et nos cœurs répondirent
A tout ce qu’ils vous dirent.
En langage perlé
Ils ont parlé.

Ils ont dit que vous êtes
La Muse des poètes,
La grâce et la beauté,
Et la bonté.

Ils ont dit que sans cesse,
O lointaine princesse !
Dans vos yeux de béryl
Fleurit l’avril ;

Que votre charme imbibe
Jusqu’à du monsieur Scribe
Et nous rend chers et doux
Les plus sardoux ;

Que vous mettez votre âme
Dans plus d’un sombre drame
Qui sans vous n’en avait
Plus qu’un navet.

Ces princes de la lyre
Ont dit ce qu’il faut dire,
Insister après eux
Serait chanceux.

Quand même, sur la langue
J’ai mon bout de harangue,
Un de ma façon toast
Après le roast.

Je bois donc, cher maître,
Si j’ose me permettre,
A votre petit nez
Si bien tourné.

Sa forme est sans seconde,
Il est unique au monde,
Il est impérial
Et génial !

(Ici des cris multipliés de Vive Sarah Bernhardt !)


Cependant une chose
En ce banquet me cause
Un ahurissement :
Hélas ! comment

Ont-ils fait les poètes,
Déesse que vous êtes,
Pour à pareil dîner
Vous condamner ?

Pourquoi quelque ambroisie
N’a-t-elle été choisie,
Un nectar radieux
Digne des Dieux ?

Ici tout est coupable,
Tout est immasticable,
Tout est raté, gâté
Et frelaté,

Et l’on vous y fait boire
Un vin aléatoire
Comme on n’en boit de tel
Qu’au Grand-Hôtel.



Raoul Ponchon
CF 13 déc. 1896





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