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L'AFFAIRE DU COLLIER
Emilienne d'Alençon,
Sans y mettre plus de façon,
Perdit la semaine dernière
Un collier de cent mille francs,
Peut-être plus... Ah ! mes enfants !
C'est dire une fortune entière.
Quand je dis qu'elle l'a perdu,
C'est plutôt un individu,
Un cambrioleur pâle et blême,
Qui, prestement, le lui vola.
Mais pour elle, d'ailleurs, cela
Revient absolument au même.
Hélas ! plaignons la pauvre enfant !
Pour quant à moi, mon coeur se fend
Dans la mesure du possible :
Puis, pour un collier, vous savez,
De perdu, dix de retrouvés ;
J'ai du lire ça dans la Bible.
*
* *
Elle doit en faire son deuil,
Notre Emilienne d'Auteuil, -
C'est d'Alençon que je veux dire.
A quoi bon des pleurs superflus ?
Un collier était qui n'est plus :
Je connais tel désastre pire.
Au demeurant, il paraîtrait
Qu'elle n'en garde aucun regret
Et qu'elle le prend " à la bonne "
Alors, tout est bien comme il est.
Si plus qu'elle on se désolait
La chose deviendrait bouffonne.
Ce serait être, sur ma foi,
Plus royaliste que le roi.
Il convient pourtant qu'on insiste
Sur le seul propos singulier
Que la perte de ce collier
Fait tenir à maint journaliste.
" Quelle drôle d'idée, aussi,
Disent-ils, de s'orner ainsi
D'un semblable collier de perles,
Lorsque l'on va tout simplement
Se donner un peu d'agrément
A la campagne, emmi des merles ! "
Hé ! parbleu ! messieurs des journaux
Vous parlez en vrais étournaux.
Songez qu'à notre époque vile,
Un collier risque tout autant
D'être volé, c'est évident,
A la campagne qu'à la ville.
En outre, on peut dire ceci :
Notre Emilienne - que si
Elle ne comprend la nature
Qu'avec des perles plein le cou,
C'est bien son affaire, après tout.
Il n'y faut pas tant d'écriture...
Disons, pour en finir, messieurs,
Avec ce collier précieux,
Considérable et transitoire,
Qu'elle eut raison de le porter,
Mais qu'elle eut tort de le quitter :
C'est la morale de l'histoire.
RAOUL PONCHON
le Journal
20 juillet 1908
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