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Discours
de
Henri de Bornier
À l’ACADEMIE FRANCAISE
À l’ACADEMIE FRANCAISE
Raoul Ponchon accroche à son tableau Henri de Bornier * lors de son accès à l'Académie Française.
Aujourd'hui, il ne reste plus rien de cet auteur dans les mémoires. Propriétaire de vignobles et particulièrement d'un cru renommé, Henri de Bornier s'était écrié, au cours d'un dîner, qu'il était " plus fier de mon vin que de mes vers", ce qui fit dire à Henri Becque : " Il n'a fichtre pas tort !" Seuls les derniers typographes, s'il en reste encore, se souviennent de cette célèbre coquille dont il fut la victime. Lors de l'inauguration d'un buste de Ponsart, à l'Académie, de Bornier composa une pièce en vers, qui fut imprimée la veille de la cérémonie et distribuée aux journaux. Il avait écrit à la fin d'une strophe :
Tu mourus en pleine lumière,Et la victoire coutumièreT'accompagna jusqu'au tombeau.
Le lendemain, il put lire, à sa profonde stupéfaction :
Tu mourus en pleine lumière,Et Victoire, ta couturière,T'accompagna jusqu'au tombeau.
Mais, dira Pierre Larousse, était-ce bien une coquille ?... quelque typographe malin n'y avait-il pas mis autre chose que de l'inattention ?
* disait
Avec la voix incomparable que l’on sait :
( il boit d’abord un coup et commence en ces termes.)
Messieurs, ce n’est pas sans un sentiment d’orgueil
Que je viens aujourd’hui m’asseoir dans ce fauteuil !
Je le dois d’avantage, et je le dis bien vite,
A votre indulgence qu’à mon propre mérite.
Car, que suis-je ? Un pochard, un simple balochard,
Demandez-le plutôt à mon ami pinchard.
( ici, il boit)
Vous permettez, messieurs…encor que je me pique…
( tous les académiciens ensemble )
Le nez ?
( Bornier reprenant )
Sans doute, mais aussi le vers épique,
On connaît le succès foudroyant, insolent,
Qu’obtient au temps jadis ma Fille de Roland,
Dont les vers sont encor dans toutes les mémoires,
Tous les ceuss d’aujourd’hui ne sont que des grimoires.
Vous souvient-il pas quand Mounet-Sully
Messieurs, ce n’est pas sans un sentiment d’orgueil
Que je viens aujourd’hui m’asseoir dans ce fauteuil !
Je le dois d’avantage, et je le dis bien vite,
A votre indulgence qu’à mon propre mérite.
Car, que suis-je ? Un pochard, un simple balochard,
Demandez-le plutôt à mon ami pinchard.
( ici, il boit)
Vous permettez, messieurs…encor que je me pique…
( tous les académiciens ensemble )
Le nez ?
( Bornier reprenant )
Sans doute, mais aussi le vers épique,
On connaît le succès foudroyant, insolent,
Qu’obtient au temps jadis ma Fille de Roland,
Dont les vers sont encor dans toutes les mémoires,
Tous les ceuss d’aujourd’hui ne sont que des grimoires.
Vous souvient-il pas quand Mounet-Sully
La France dans ce siècle eut deux grandes épées,
L’une trempa dans l’encre et l’autre dans le sang ;
Celle de Badinguet ne fut guère occupée,
Quant à celle de Scribe on m’en a fait présent.
Ce n’est peut-être pas tout à fait là le texte,
C’en est le sens du moins, et ce m’est un prétexte
De vous montrer ce sabre aimable, le voici…
Mais pour parler de moi je ne suis pas ici,
Mais d’X. Marmier.*
( il boit )
Messieurs, l’homme à qui je succède,
Je l’avais rencontré dans mon enfance en Suède.
Il voyageait beaucoup pour devenir savant,
Et moi, c’était pour une usine de vin blanc
Que je représentais. Nous fîmes tout de suite
Connaissance et le soir nous prîmes une cuite.
Ah ! le charmant copain ! Imaginez_vous bien
Qu’il parlait le chinois et le norvégien,
L’algoquin, le volapuk et le fuégien
Comme je puis parler, moi, la langue française.
Dans le zend et le kurde il se mouvait à l’aise ;
Il pouvait vous traduire, est-ce pas renversant ?
Un dictionnaire turc en excellent persan.
Mais avant tout c’était un homme qui voyage,
Il voyageait partout, constamment avec rage,
On le vit à Montmartre, au diable, au Kamtchatka.
On sait que dans la lune un jour il fit caca.
Est-ce qu’il a raison celui qui tant voyage ?
Certes, il peut ainsi varier son langage ;
Mais vite il s’aperçoit que s’exiler est vain,
Si tout chemin conduit chez un marchand de vin.
( il boit )
Le vin, messieurs, le vin ! qu’elle admirable chose !
Et comme il fleure mieux que ne fait une rose !
Il écarte le mal, il fait voir tout en or,
Ecoutez ce qu’en dit le poète Bouchor :
Ah ! qu’est-ce que la vie à qui manque de vin ?
Une espèce de mort, un simulacre vain ;
C’est lui, comme le dit quelque part le Saint-Livre,
Qui met la joie au cœur de l’homme et le fait vivre !
Ce sont là de beaux vers. L’on parlerait toujours
Sur ce sujet, d’ailleurs ; tenez, un de ces jours,
Faîtes-moi sur le Vin vous tenir un discours.
Sur ce sujet, d’ailleurs ; tenez, un de ces jours,
Faîtes-moi sur le Vin vous tenir un discours.
( il boit )
Je disais donc, messieurs, que l’X que je remplace,
Pendant près de cinquante ans arpenta l’espace ;
Mais, quand l’âge survint , il dut rester en place,
Ne croyez pas au moins que l’on le vit moisir,
On le vit bien plutôt savamment cramoisir
Sur des travaux nombreux qui charmaient son loisir.
Sa parole charmante était comme une manne,
Et ce bonhomme qui travaillait comme un âne
Trouvait encor le temps d’être bibliomane.
Pou lui le bouquinage était rempli d’attraits.
Oui, que de fois, messieurs, et comme je sortais
De quelque mastroquet pour aller dans un autre,
Sur le quai Malaquais j’ai vu le bon apôtre
Chercher fébrilement des bouquins de six liards,
Encore qu’il en eût chez lui des milliards.
Il achetait non pas des livres, mais du livre,
Souvent plusieurs kilos, parfois rien qu’une livre.
Quand il n’en trouvait pas d’assez diluviens,
Il achetait les miens, et certains jours, les siens,
Moi, je dois l’avouer, j’ai moins passé de veilles
Sur des bouquins qu’au sein des joyeuses bouteilles.
Je ne m’en porte pas plus mal, et si demain
Je meurs, je veux que ce soit le verre à la main,
Et non comme Marmier, d’une façon minable,
Qui est mort écrasé sous un gros incunable.
Pendant près de cinquante ans arpenta l’espace ;
Mais, quand l’âge survint , il dut rester en place,
Ne croyez pas au moins que l’on le vit moisir,
On le vit bien plutôt savamment cramoisir
Sur des travaux nombreux qui charmaient son loisir.
Sa parole charmante était comme une manne,
Et ce bonhomme qui travaillait comme un âne
Trouvait encor le temps d’être bibliomane.
Pou lui le bouquinage était rempli d’attraits.
Oui, que de fois, messieurs, et comme je sortais
De quelque mastroquet pour aller dans un autre,
Sur le quai Malaquais j’ai vu le bon apôtre
Chercher fébrilement des bouquins de six liards,
Encore qu’il en eût chez lui des milliards.
Il achetait non pas des livres, mais du livre,
Souvent plusieurs kilos, parfois rien qu’une livre.
Quand il n’en trouvait pas d’assez diluviens,
Il achetait les miens, et certains jours, les siens,
Moi, je dois l’avouer, j’ai moins passé de veilles
Sur des bouquins qu’au sein des joyeuses bouteilles.
Je ne m’en porte pas plus mal, et si demain
Je meurs, je veux que ce soit le verre à la main,
Et non comme Marmier, d’une façon minable,
Qui est mort écrasé sous un gros incunable.
( il boit )
Et maintenant, messieurs, j’ai fini. Aussi bien
Je n’ai plus rien à boire, et m’attend chez Jullien *
Alphonse Allais qui doit me payer une absinthe,
Si j’ose m’exprimer ainsi dans cette enceinte.
Je n’ai plus rien à boire, et m’attend chez Jullien *
Alphonse Allais qui doit me payer une absinthe,
Si j’ose m’exprimer ainsi dans cette enceinte.
( il sort en titubant )
Pour copie à peu près conforme :
RAOUL PONCHON
04 juin 1893
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