11 oct. 2007

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NOTRE DIPLODOCUS
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On vient de trouver un diplodocus
auprès duquel le nôtre n'existerait pas.
(Journaux)




On a découvert ces jours-ci
Un nouveau diplodoque,
Je ne sais dans quel sol durci,
Et, d'ailleurs, je m'en moque.

Aussitôt, voilà nos lascars
De reporters de dire
Que le nôtre n'est qu'un lézard
A côté ! C'est pour rire !...

Ce monstre vaste, extravagant
- Ou mieux son effigie -
Que l'on doit à Pierpont Morgan,
Sinon à Carnegie,

Enfin notre diplodocus
A lui seul en vaut quatre ;
Et je le soutiens mordicus,
Et n'en veux rien rabattre.

Il a vingt-cinq mètres de long,
Quinze de tour de taille.
Comme vous voyez, mes colons,
Ca n'est pas une paille.

Pourquoi vouloir réduire à rien
Cet animal, en somme,
Qui se trouve être notre bien,
Nom d'un petit bonhomme ?


*
*.. *


Vous me direz : " C'est prendre là
Feu pour bien peu de chose ".
Oh ! oh ! ne croyez pas cela...
Si j'insiste en ma glose,

C'est qu'il en va pourtant ainsi
Dans notre douce France.
Que de gens - tel est mon souci -
Ont cette âpre tendance

A débiner notre pays,
Ses produits, ses richesses...
Comme si nous étions faillis,
Avec rien dans nos caisses !

Nos superbes inventions,
Nos vaisseaux, notre armée...
Cependant que les nations
En sont tout alarmées.

A débiner aussi nos arts,
Ayant cette manie
Des camelottes de bazars,
Venant de Germanie !

Nous refusons de protéger
Chez nous nos pauvres diables,
Pour accepter de l'étranger
Des gens indésirables !

*
*.. *

D'aucuns disent que les Français
Sont d'une morgue pire.
Ils ne le sont du tout assez,
Voilà ce qu'il faut dire.

Ils pourraient l'être, s'il vous plaît !
Or, la France, au contraire,
Est la modeste vache à lait
Que l'Europe vient traire...

Mais quoi ! Ne nous attardons point
Sur un cas si baroque,
Cela nous mènerait trop loin
De notre diplodoque
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RAOUL PONCHON
le Journal
05 août 1912

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