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PRINTEMPS DE PARIS
.Mignonne, voici donc l'avril !
Et le soleil revient d'exil,
Ainsi qu'a dit le bon Coppée,
En même temps qu'une flopée
De nos chers amis les Anglais.
Déjà, par Boulogne ou Calais,
Ils nous débarquent de leur île.
C'est par centaines et par mille
Qu'on les recontre dans Paris,
Un de leur pays favoris.
J'en ai vu plein les tapissières,
Habillés de cache-poussière ;
Plein des autobus, plein des mails
J'ai vu qu'à l'heure des cocktails
Ils nous chassaient de ces enceintes,
Où nous prenons nos herbes saintes ;
Déjà, du bas jusques en-haut,
Tous nos hôtels sont pris d'assaut.
Si ça continue (à la lettre),
Nous ne saurons plus où nous mettre.
Car, comme Paris ne s'est pas,
Pour eux, élargi d'un seul pas,
Il nous faudra, de guerre lasse,
A ces Anglais céder la place.
*
* *
Or, ce qui confond mes esprits,
C'est cet exode vers Paris,
Tous les ans, à la même époque.
De notre part sans réciproque.
Seraient-ils assez malchanceux
Qu'ils n'aient pas de printemps chez eux.
Ou si, pour ceux de la Tamise,
Paris est la terre promise ?...
Je ne suis pas assez subtil
Pour le dire. Toujours est-il
Que chaque jour nous en emène,
Et que, depuis une semaine,
On se croirait en Albion. *
Le plus drôle, c'est que si on
Traversait à son tour la Manche
Pour aller passer le dimanche
A Londre, on y verrait aussi
Peut-être autant d'Anglais qu'ici.
*
* *
Mais voyez donc la conséquence
De tant d'Anglais chez nous : j'y pense
Tout à fait comme par hasard
Pour ce pauvre monsieur Guichard. *
N'est-ce pas la pire déveine ?
Il avait déjà de la peine
A trouver Bonnot et Garnier,
Sans compter le petit dernier...
Parmi les suspects que nous sommes,
Soit deux ou trois millions d'hommes ;
Si notre population
S'augmente encor de l'Albion,
Dites-moi, Vierge souveraine,
Comment voulez-vous qu'il s'y prenne ?
Il sera d'autant plus quinaud. *
Nib de Garnier, macach' Bonnot.
RAOUL PONCHON
le Journal
8 avril 1912
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