8 oct. 2007

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A un vieux Marcheur
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O vieux marcheur, épuisé devant l’âge,
Amant volage,
De mes amis,
Toi qui pendant quarante ans, sur facture,
De créatures
Fis un salmis ;

Qui courtisas et la brune et la blonde,
A Trébizonde
Comme à Paris,
Et mis à mal aussi bien les moukères
Les plus vulgaires
Que les houris.

Ne marche plus, il en est temps encore,
O minotaure,
O vieux marcheur !
Sans quoi, dans peu tu vas, je te le jure,
Donner mesure
Au fossoyeur.

Il est grand temps de fermer la brayette.
Dans ton assiette
Fourre ton blair !
C’est fini, les amours. Mange ta soupe,
Vide ta coupe,
Dis ton pater.

Dedans ton vin mets un peu de wallace,
O Lovelace !
O Don Juan !
Ne vois-tu pas que pleure et que demeure
La sixième heure
A ton cadran ?

Ne vois-tu pas que Vénus te réprouve,
Qu’elle te trouve
Un peu vieillot,
Toi, le client des madames Marneffes
Et des quat’z’effes,
Pauvre Hulot !

Pourquoi vouloir aimer en tes décembres
Puisque tes membres
Sont vermoulus ?
Faire pourquoi – puisque ça te harasse –
Le coq de race
Que tu n’es plus.

Je ne te vois pas bien, mon camarade,
Pour ta parade
Comme à London
Mettre – à l’instar de tels fourbus athlètes è
Des omelettes
Sur ton bedon,


Pour te donner l’illusion fugace
Que ta carcasse
A le frisson
Comme au beau temps jadis, près de ces dames,
O polygame !
O polisson !

Que si tu fus un homme aimé naguère,
Avant la guerre
Un bath au pieu,
Crois qu’à cette heure il n’en va plus de même ;
En toi l’on n’aime
Que l’ancien dieu.

Et, quand tu vas chez la jeune personne
Qui te rançonne
Balbutier,
Ne faut-il pas qu’avant que tu l’embrasses
D’abord tu passes
Chez ton banquier ?...

Hélas ! je vois, pour remonter ta montre,
Qu’il ne se montre
Point d’horloger.
Laisse donc là roublardes ou niaises
Et les punaises
A Bérenger.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français
01 oct. 1899






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