14 oct. 2007

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PLUIES DE PALMES
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On nous signale une recrudescence de Palmes dans toute la France.


Il pleut, il pleut des Palmes
Fermez vos noirs pépins,
Et surtout soyez calmes
Mes petits chérubins.

Vous savez que la pluie
De ces palmes à jamais
N'usa de parapluie
Chez ceux de la France, mais

Fait au contraire éclore
Violet et subit
Un ruban dont s'honore
Le col de leur habit.

Cette humble violette
Il suffit pour l'avoir
D'aller en faire emplette
Chez qui la fait...pleuvoir.

Venez donc ceux ou celles
Férus de ces godans,
Les vieilles demoiselles
Et les jeunes pédants ;

Venez qu'on vous décore
De cette fleur, vous qui
Ne l'avez pas encore
Comme NIMPORTEKI.

Venez, tas de mazettes,
Qui avez tous les droits
A ces palmes bisettes,
En attendant la croix,

Venez, sans nulles transes,
C'est trop longtemps croupir,
Montrez vos références
Et faites-vous servir ;

Dessin de Widhopff - Ponchon, Roques, Lamy...

Les marchands de cirage
Et de peaux de lapin,
Les savants d'un autre âge...
Les gueules en pitchpin...

Reines des blanchisseuses,
Du Temple, des marches,
Et des lavoirs... masseuses
Fin de siècle... miches...

Professeurs de savate...
Et vous, qui savez l'art
De me mettre une cravate
En moins d'une heure et quart...

Rataconniculeuses
De jeunes pubertés
Auteur de graveleuses
Et pires saletés...

Cabots et cabotinés...
Vieux ténors dont la voix
Reste dans les bottines,
Parlez, tous à la fois,

Instigateurs de mode,
Danseuses de cake-walk...
Fabricants de méthodes
Pour avaler un bock...

Députés platoniques
Et curés défroqués,
Poètes et critiques
Suprême espoir des quais...

Mouchards, flics et carognes
Prêts, la nuit et le jour,
Aux plus sales besognes...
Courtisans bien en cour.


Monstre de complaisance,
Lécheurs de pieds, de culs...
Maris sans importance
Mais savamment cocus...

Accourez tous, vous dis-je -
Et venez la cueillir
La palme de prodige
Qui ne saurait vieillir.

Et vous, maîtres d'école
Oubliés dans les bourgs
Et loin du protocole,
Attendez-là toujours,

Il se pourrait bien faire
Qu'on prit de vous souci,
Et qu'un jour, belle affaire !
On vous palmât aussi.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français
08 fév. 1903






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