14 oct. 2007

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LES RATS
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On a tué 18000 rats dans la journée d'hier, aux environs de la gare de l'Est.
(Journaux)


A Paris, dès que l'on chahute
Le sol - et c'est soir et matin -
Pour construire hôtel ou cahute,
Sinon du métropolitain,

On voit jaillir de ses entrailles,
Et comme par enchantement
Des rats de tout poil, toutes tailles,
De tout gabard, mêmement.

Il en sort des égouts, des caves
Par milliasses, tant et tant
Qu'ils font reculer les plus braves,
Que c'en est vraiment dégoûtant.

Les chats même les plus féroces
N'osent pas toujours les piller ;
C'est une obsession atroce
Pour les habitants du quartier.

On en a vu, de tête en queue
- M'ont affirmé mille témoins -
Mesurer parfois une lieue.
Et peut-être même un peu moins.


On en a vu de blancs, de pies,
De gris, de rouges et de bleus
Dépassant toutes utopies,
Les rêves les plus fabuleux.

Cela, c'est à peine croyable ;
Mais ce qui frappe plus encor,
C'est surtout leur nombre effroyable.
Paris tient cet affreux record

Des rats. C'est ici leur empire.
Avouons-le sans embarras.
Je vais vous dire bien pire :
Paris est bâti sur des rats !

Voilà déjà quelques années,
Un lord des plus extravageants
En acheta pour cent guinées,
Afin de s'en faire des gants.

Pour satisfaire ce loufoque,
Dans certain arrondissement,
Rappelez-vous qu'à cette époque
Se produisit un tassement...

* *


Surtout il ne faudrait pas croire
Que nos rats sont des scélérats
Qui nous charrient de la mer Noire
Des pestes et des choléras.

Ce n'est pas eux que Chantemesse
Nous annonce pour ces jours-ci...
Continuons notre kermesse.
Nos rats sont très sains, Dieu merci !

Il n'est pas à craidre, du reste,
Que jamais ils soient enragés ;
Pour nous communiquer la peste,
Il faudrait qu'ils aient voyagé.

Eh bien, puisqu'ils ne peuvent nuire,
Laissez-les donc, les malheureux,
Gardez-vous bien de les détruire.
J'ai dit Paris bâti sur eux !...

Donc, alors, à raison plus forte,
C'est votre plus cher intérêt
De les nourrir - en quelque sorte -
Sans quoi Paris s'écroulerait.



RAOUL PONCHON
le Courrier Français
14 sept. 1905




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