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LE LION
.A l'Hippodrome, on peut voir un dompteur agacer un lion avec un plumeau (!).
Mettre dans une boîte
Dans une cage étroite
Un lion du désert !
A quoi ça sert ?
Sinon - belle fichaise ! -
A faire pâmer d'aise
De pâles tourlourous,
Et des nounous.
A nous montrer Prudhomme
S'extasiant sur l'homme
Qui sait prendre vivant
Le ci-devant.
Mais il n'y eut pas lutte
Entre eux deux, pauvre brute !
Car il en eut raison
Par trahison.
Nous le savons du reste.
Le moindre geste atteste
De notre humanité
La lâcheté.
S'il est déjà pénible,
Absurde, inadmissible
De voir ce roi captif,
Sans un motif,
N'est-il pas plus atroce
Encore, et plus féroce
D'aller le tracassant
Jusques au sang,
Avec des étrivières
Bougres de belluaires,
Et des pointes de feu ?
Ah ! nom de Dieu !
De se payer la tête
De cette noble bête,
Et de ce lord des lords ?
Que dire alors
De cet âpre imbécile
Qui, dans un jeu facile,
L'agace d'un plumeau !
Ah ! le chameau !
Où donc est la bravoure,
Rigolo ? que j'y coure,
En cet inégal duel,
Dompteur cruel ?
Ne sais-tu pas encore
Que s'il ne te dévore,
Comme il ferait un daim,
C'est par dédain
Pour ta piteuse carne,
Tandis que tu t'acharnes,
Le revolver au poing ?
Ne sais-tu point
Qu'un jour - s'il se rebiffe,
Tu n'es plus qu'une chiffe
Sous ses pas de velours,
Sous ses crocs lourds ?
Qu'il peut dans la banlieue
T'envoyer, de sa queue,
Avec le sien - plumeau -
Chameau, chameau !
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
16 mars 1905
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