9 oct. 2007

.
.
.
Vue de 1890 à Vol d'Oiseau
.

.
Toujours, quand un nouvel an
Vient de prendre son élan,
Cette phrase surannée
Revient généralement : -
Que nous vaudra, Dieu clément !
De bon, la présente année ?

Sera-t'elle, chi lo sa ?
En proie à l'influenza
Autant que fut la défunte ?
Fertile en évènements ?
Ou vide... et sans documents ?
Maigre comme Lina Munte ?

C'est facile à deviner,
Et je puis vaticiner
Ce que sera la cocue !
Parbleu ! je la vois d'ici
Se dérouler comme si
Je l'avais déjà vécue.

Pour nos marmiteux repas
Le Bon Dieu ne fait-il pas
Toujours la même cuisine ?
Et sans rime et sans raison,
Est-ce que chaque saison
N'est pas plutôt... la voisine ?

Le printemps n'ouvrira point,
L'été sera froid au point
Qu'il faudra garder la chambre,
En automne on grillera,
Le mois d'avril brillera
Vers le trente et un décembre.

Les peintres, au mois de mai,
Selon l'ordre accoutumé,
Nous accablerons de croûtes
Couleur de nègres et de byrrh ;
Il faudra même subir
Leurs querelles de choucroutes.


Des auteurs que l'on connait,
Sardas, Dumou, Pailhonet
Les pièces alibaronnes
Rimeront avec succès,
Et le Théatre Français
Recevra des Bûcheronnes.

Pour ce choix judicieux
Qui honore ces messieurs,
Il faudra qu'on les décore...
- Mais ils le sont tous ! - Pardon,
J'en ai vu plus d'un... où donc ?
Qui ne l'était pas encore.

Porel, dans son Odéon
Gai comme un accordéon,
Continuera son commerce ;
C'est un épicier adroit,
Plus habile qu'on le croit
Généralement... en Perse.

Comme toujours l'on paiera
Pour entendre à l'Opéra,
O Lammermoor, ta Lucie !
Et l'on égorgera d'or
Le plus aphone ténor
Qui nous revient de Russie.


Les mêmes auteurs mondains
Ecriront leurs romans daims
Et leurs poèmes inanes
Qui s'en iront sur le quai
- Ca n'est pas bien compliqué -
Navrer les bibliomanes.

Des auteurs que l'on connait,
Sardas, Dumou, Pailhonet
Les pièces alibaronnes
Rimeront avec succès,
Et le Théatre Français
Recevra des Bûcheronnes.

Pour ce choix judicieux
Qui honore ces messieurs,
Il faudra qu'on les décore...
- Mais ils le sont tous ! - Pardon,
J'en ai vu plus d'un... où donc ?
Qui ne l'était pas encore.

Porel, dans son Odéon
Gai comme un accordéon,
Continuera son commerce ;
C'est un épicier adroit,
Plus habile qu'on le croit
Généralement... en Perse.

Comme toujours l'on paiera
Pour entendre à l'Opéra,
O Lammermoor, ta Lucie !
Et l'on égorgera d'or
Le plus aphone ténor
Qui nous revient de Russie.

Les mêmes auteurs mondains
Ecriront leurs romans daims
Et leurs poèmes inanes
Qui s'en iront sur le quai
- Ca n'est pas bien compliqué -
Navrer les bibliomanes.


Sarcey l'Epicurien
Ne comprendra rien à rien
Selon toutes apparences,
Mais tout de même il fera
Sur un tas d'et coetera
De coupables conférences.

Par les mêmes assassins
Nous verrons percer nos seins
Du même fer homicide,
A moins que monsieur Lozé
Qui s'est assez reposé
Différemment en décide.


Du Quesnay, pour varier,
Poursuivra notre Courrier
De sa rage inassouvie ;
Nous serons à tour de bras
Pendus à ces magistrats
Que l'Europe nous envie.

Notre président en bois
Plaira toujours aux bourgeois,
Etant suffisamment moule
Pour se demander encor
Lequel exista d'abord
Ou de l'oeuf ou de la poule.


La Chambre de députés,
Ou les crétins réputés
Sont en quantité notable,
Ne s'occupera de rien
Que de leur propre entretien,
De leur lit et de leur table.

Nous vendrons à nos voisins
Le bon vin de nos raisins
Dont nos estomacs n'ont cure,
Parait-il, et nous boirons
Une lavasse en litrons,
Fruit d'une chimie obscure !


Et cependant que les rois
S'écrieront tout d'une voix :
Plus de guerres meurtrières !
Ces rageurs tout cramoisis
Hérisseront de fusils
Leurs insipides frontières.

La France continuera
A voir venir, et prendra
Une attitude guerrière,
Mais le chancelier de fer
Lui caressera, c'est clair,
Longtemps encor le derrière.


Guillaume fera pipi
Et caca sur le Crispi,
Qui dira - la bonne pâte -
A son seigeur allemand :
- " Sire, véritablement,
Votre Majesté me gâte? " -

Ainsi de ce nouvel an
On peut dresser le bilan.
A moins que dans sa valise
Le Temps, vieillard échauffé,
Ainsi que l'huissier Gouffé,
Nous apporte une surprise.

A coups de pieds et de dents
Nous allons nous ruer dans
Le même struggle for life,
De même qu'auparavant,
Pour conquérir l'or, ce vent,
Ou la gloire, cette chiffe !

Et tant que nous durerons
Nous struggleforliferons :
A quoi sert qu'on en blasphème ?
Tu ne vas pas, s'il te plait,
Chiâler dans mon gilet ?...
Las ! comme toujours moi-même,


Tout en fumant mon pétun,
J'attendrai vainement un
Oncle incarné, d'Amérique,
Et je livrerai, fougueux
Contre le sort - pauvre gueux -
Une bataille homérique.


Et j'irai - car c'est urgent -
Pour gagner un peu d'argent
Me consumant comme un cierge,
Quand ça ne serait que pour
L'an prochain, à pareil jour,
L'étrenne de mon concierge.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français
12 janv. 1890




Aucun commentaire: