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LA TOUR SAINT-JACQUES EST FINIE

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On avait dit : la Tour Saint-Jacques
Sera finie à Pâques
Ou à la... Trinité.
C'était parler à la légère,
Toujours on exagère
Chez nous, en vérité.

Rassurez-vous, foule insensée,
Elle est très avancée ;
On attend l'ascenceur
Ces jours-ci, lequel, d'une traite,
Vous mettra jusqu'au faîte,
Tout en douceur.

Déjà ses animaux bibliques,
Voire apocalyptiques,
S'y dressent de nouveau
Sur la plus haute plate-forme,
Ils sont, selon la norme,
Mi-dragons et mi-veaux.

On peut voir Saint Jacques lui-même
Qui, vers la pointe extrême,
Regarde à l'ouest s'il pleut.
Y détachant sa silhouette
Blanche et fluette
Sur le ciel gris ou bleu...

On y voit aussi la cambuse,
Mais de sorte confuse,
Même par temps clair,
D'un météorologue habile,
Inspecteur - pour la Ville -
Dit-on, des courants d'air.

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* *

Ainsi, cette tour, ô sceptiques !
Dont votre âme gothique
Ne pouvait se passer,
Que vous crûtes longtemps perdue,
Va vous être rendue,
Je puis vous l'annoncer.

Je ne dis point que les échafaudages,
Que les guindages
Ont été mis à bas,
Qui l'entourent depuis... l'Empire...
Ce serait du délire,
Vous ne voudriez pas !

Vous les verrez longtemps encore
Ce monument enclore.
Dame ! ça n'est pas rien.
Depuis le temps, je m'imagine
Qu'ils auront pris racine...
Il se peut, aussi bien,

Par manière d'économie,
Que l'on n'y touche mie,
Comme étaient là tout prêts,
Si cette vieille tour Saint-Jacques
De nouveau se détraque.
C'est toujours moins de frais.

Si c'était là de ces solives
Le sort - car tout arrive...
Diriez-vous, bonnes gens,
Que l'Etat, en sa turpitude,
Nous affame et dénude,
Gaspille nos argents ?


RAOUL PONCHON
le Journal
30 déc. 1912