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AH ! CHALEUR !
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A Jules Roques
Qu’il fait donc lourd, qu’il fait massif !
Qu’il fait poussif, qu’il fait passif !
Par Phébus ! la chaleur maudite !
Toute action m’est interdite.
Tenez, Rothschild me mettrait là
Sa caisse en me disant : « Voilà,
Elle est ici, sur un seul signe… »
Je ne bougerais d’une ligne.
Moi, ce temps-là me rend manchot
Autant comme un cul d’artichaut,
Que voulez-vous ?… et ma cervelle
C’est le chien de Jean de Nivelle.* *
Vraiment, j’échappe à tout compas.
Autant dire : je ne suis pas.
Cette canicule me briffe,
Me pompe, m’abolit, me biffe.
* *
Dire qu’en ce moment des gens
Pour la gloire ou pour des argents
Escriment, cyclent, marathonnent
S’ils n’articlent ou feuilletonnent.
Qu’il est de bons petits garçons
Qui pâlissent sur des Nasons,
Des Marons, Flacces et Sénèques,
Et mâchent des racines grecques !…
Tout ça pourquoi ?… pour être, hélas !
Quelque jour inspecteurs du gaz
Dans des familles Péruviennes,
Chiliennes ou Boliviennes.
Dire que notre oncle Sarcey,
Ce joyeux client de Circé,
Va passer ses après-dinées
A de classiques matinées !
Que notre président Félix
Résout presque chaque jour l’X
De joncher Paris et le Havre
Au même instant de son cadavre !
Dire que de Paris à Rouen,
Sur son fameux cheval rouan *
Trotte sans cesse Hugues Delorme
Au lieu de m’attendre sous l’orme !
Enfin par ces chaleurs d’Ailleurs
Dire qu’il est des travailleurs,
Des gens qui remuent, se marient,
Aiment, discourent, s’expatrient…
Comme ce vieux pas très joli
De Rainaruderivoly *
Qui vient de semer sa carcasse
Loin de son pays madécasse ;
Ou l’autre vilain Li-Hung-Chang * *
Passant la revue à Longchamp
Par quarante degrés à l’ombre
Qui feraient péter un concombre !
Quand je pense que tout se meut,
S’agite, ou simplement s’émeut,
Que le Midi lui-même bouge,
J’en deviens bleu, si ça n’est rouge.
Roques, je suis votre valet.
Mais, certe aujourd’hui s’il fallait
Pour le Courrier que je rimasse
J’en mouillerais bien deux limaces ;
C’est pourquoi Roques, ô mon roi,
Pour cette fois, permettez-moi
De ne pas faire ma Gazette,
Dussiez-vous m’appeler mazette.
R.P
le Courrier français
26 07 1896
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