1 oct. 2007

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BUVONS, C’EST L’HEURE
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Bois pour oublier.
L’eau-de-vie est une
Qui porte la lune
Dans son tablier.

PAUL VERLAINE

(Jadis et naguère
)



« Bois pour oublier »
- Dit le maître insigne -
Telle est sa consigne
A son écolier.

Si boire peut m’être
D’un pareil secours,
Les instants sont courts,
Je vais tôt m’y mettre.

Oh oui ! que l’oubli
Me berce et dorlote !
Bois donc, pauvre ilote,
Ton verre est rempli,

Oublions la farce
De nos jours ratés,
Les lapins domptés,
Notre vie éparse ;

Les ors pour lesquels
Nous partions en guerre
Jadis et naguère,
Changés en nickels.

Oublions les heures
Grosses de souci :
Il en fut ainsi
Même des meilleures.


Oublions aussi
Le présent atroce ;
Que n’est-il, la rosse,
Déjà loin d’ici !

Pouvoir, ô merveille !
Fuir mon rêve d’hier
Encore que fier !
Mes yeux de la veille !…

Oubli qui délivre
Fais qu’au même instant
J’ignore l’instant
Que je viens de vivre !

Que je sois l’enfant
Qu’aisément l’on trompe,
Comme on fait la trompe
D’un jeune éléphant.

Je bois, mais en vain,
C’est pure sottise,
Car, quoi que m’en dise
Le maître divin,

Le passé persiste
En son vieux décor
Comme un son du cor
Dans les bois, si triste !…


R.P

le Courrier Français
26 01 1896

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