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ROSE + CROIX
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Le Sâr Joséphin Péladan * fut le principal promoteur de la Rose + Croix * * , entreprise ambitieuse destinée à réagir contre la « décadence » du monde latin. Les œuvres de symbolistes éminents, Fernand Khnopff, Ferdinand Hodler ou encore Jan Toorop, ont côtoyé lors de salons * celles de jeunes artistes, tels Antoine Bourdelle et Georges Rouault. Tel est le sujet d'aujourd'hui ....
A la Pouche.
C’est ici, ma pauvre Pouche,
Le temple mystérieux ?
Tâche d’être sérieux
Et tais un instant ta… gueule.
Vois : c’est la Rose et la Croix,
Avec le Sâr ça fait trois.
Triple Unité ! Triplice Une !
La Rose, le Sâr, la Croix.
Dieu n’est pas plus un ni trois
Même s’il s’adjoint la Lune.
Mon cher ami, c’est pourquoi
Entre, admire, et te tiens coi.
Admire avant toute chose,
Et surtout ne cherche pas
A comprendre à chaque pas,
Toi qui n’es ni croix ni rose,
Sache seulement ceci :
C’est le plus clair ici,
O misérable profane !
C’est l’abscons et c’est l’abstrait,
Et non pas ce qui paraît
Un tant soit peu diaphane,
Ou, plus simplement, direct
A ton fumeux intellect.
D’ailleurs ne crois rien comprendre.
Si tu crois avoir compris
C’est que tu n ‘as rien compris,
C’est bien facile à comprendre ;
Car, à peine ces subtils
Entr’eux se comprennent-ils.
Ces peintres sont astrologues
Avant tout, magiciens…
Nécromants, physiciens…
Kabbalistes, mystagogues…
La peinture est, Dieu merci,
Le cadet de leurs soucis.
Ils sont rois, engastrimythes…
Prêtres d’Isis, enchanteurs…
Démoniaques, docteurs…
Et quelque peu sélénites.
L’occulte est leur vrai séjour ;
Ils peindront un autre jour.
Et, va donc te faire fichtre,
O peintre mystérieux,
Uniquement curieux
D’Au-delà, d’Ailleurs et d’Outre.
Un tableau n’est, tout d’abord,
S’il n’est peint qu’un objet mort.
L’Art n’est pas, mon cher esthète,
Pour se coiffer de rébus ;
Autant poser un gibus
Sur son adorable tête.
C’est tel qu’il n’est pas bien sûr
De lui qui demeure obscur.
As-tu la divine flamme,
Artiste ? Tu la diras
Dans tout ce que tu feras ;
Tu sauras montrer ton âme,
Ton rêve de paradis,
Même en peignant un radis.
L’Art, écho de Dieu sur terre,
Ne vit qu’en soi, que pour soi ;
Un tableau bien peint, je croi
Que voilà tout le mystère.
Peintre, peins donc avant tout :
Tu penses si l’on se fout
De tes énigmes, les sphinges,
Et de tes beaux Parsifaux…
J’en ai assez, il me faut
A cette heure voir des singes…
Bon, la Pouche, va te voir
Dans un transparent miroir.
R.P
le Courrier français
A la Pouche.
C’est ici, ma pauvre Pouche,
Le temple mystérieux ?
Tâche d’être sérieux
Et tais un instant ta… gueule.
Vois : c’est la Rose et la Croix,
Avec le Sâr ça fait trois.
Triple Unité ! Triplice Une !
La Rose, le Sâr, la Croix.
Dieu n’est pas plus un ni trois
Même s’il s’adjoint la Lune.
Mon cher ami, c’est pourquoi
Entre, admire, et te tiens coi.
Admire avant toute chose,
Et surtout ne cherche pas
A comprendre à chaque pas,
Toi qui n’es ni croix ni rose,
Sache seulement ceci :
C’est le plus clair ici,
O misérable profane !
C’est l’abscons et c’est l’abstrait,
Et non pas ce qui paraît
Un tant soit peu diaphane,
Ou, plus simplement, direct
A ton fumeux intellect.
.
D’ailleurs ne crois rien comprendre.
Si tu crois avoir compris
C’est que tu n ‘as rien compris,
C’est bien facile à comprendre ;
Car, à peine ces subtils
Entr’eux se comprennent-ils.
Ces peintres sont astrologues
Avant tout, magiciens…
Nécromants, physiciens…
Kabbalistes, mystagogues…
La peinture est, Dieu merci,
Le cadet de leurs soucis.
Ils sont rois, engastrimythes…
Prêtres d’Isis, enchanteurs…
Démoniaques, docteurs…
Et quelque peu sélénites.
L’occulte est leur vrai séjour ;
Ils peindront un autre jour.
Et, va donc te faire fichtre,
O peintre mystérieux,
Uniquement curieux
D’Au-delà, d’Ailleurs et d’Outre.
Un tableau n’est, tout d’abord,
S’il n’est peint qu’un objet mort.
L’Art n’est pas, mon cher esthète,
Pour se coiffer de rébus ;
Autant poser un gibus
Sur son adorable tête.
C’est tel qu’il n’est pas bien sûr
De lui qui demeure obscur.
As-tu la divine flamme,
Artiste ? Tu la diras
Dans tout ce que tu feras ;
Tu sauras montrer ton âme,
Ton rêve de paradis,
Même en peignant un radis.
L’Art, écho de Dieu sur terre,
Ne vit qu’en soi, que pour soi ;
Un tableau bien peint, je croi
Que voilà tout le mystère.
Peintre, peins donc avant tout :
Tu penses si l’on se fout
De tes énigmes, les sphinges,
Et de tes beaux Parsifaux…
J’en ai assez, il me faut
A cette heure voir des singes…
Bon, la Pouche, va te voir
Dans un transparent miroir.
R.P
le Courrier français
05 04 1896
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