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J'EN AI BU
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Notre nouveau Président *
en sa propriété de Loupillon,
possède un vignoble dont il tire,
bon an mal an, quatre ou cinq
cents barriques.
Je vous en donne ma parole
Qu’à l’heure où sous la Coupole
Dont tant de gens sont coiffés,
Notre Barrès magnifique,
En un tournoi pacifique,
Faisait son moi triompher,
Je buvais, orné d'un lierre
Du vin de Monsieur Fallières.
Coïncidence, à coup sûr,
Qui ne vaut pas d'en écrire !
Mais enfin, c'est pour vous dire
Que tout tient du hasard pur.
Je buvais donc, mais j'avoue
Que je fis d'abord la moue
A ce fameux Loupillon,
Dont j'ignorais hier encore
L'existence, et que décore
Un superbe pavillon.
S'il était de ces vins mièvres
A faire danser les chèvres ?...
Pensais-je, - âpre et décevant ?
Une ripopée infâme,
Un vin sans corps et sans âme ?...
Je n'irais pas plus avant.
Je rêvais, je le confesse.
Ce vin, malgré sa simplesse,
A sa mâche et son bouquet ;
De plus, sur ma foi d'ivrogne,
En vrai cadet de Gascogne,
Sa verve, aussi son caquet.
Il est direct, prompt à boire
Et ne laisse nul déboire.
Or, pendant que j'y étais,
A la santé de son père,
J'en vidais verre sur verre,
Sans plus m'en inquiéter.
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* *
Que voilà donc un brave homme,
De quelque nom qu'on le nomme,
Qui dans son moment perdu,
Sait cultiver son vignoble !
S'il est un métier plus noble,
Je veux bien être pendu !
Ce vigneron historique
Désormais, m'est sympathique.
Tout de suite, il m'a conquis.
- Un vigneron, j'imagine,
Pour gouverner notre usine,
A tous les talents requis. -
Il sera donc le symbole
De la France vinicole.
Ah ! que voilà qu'il est beau
De l'avoir choisi pour maître !
Car, certe, il ne saurait être
Président de buveurs d'eau.
Avec lui, l'eau détestable
Disparaîtra de nos tables.
Bien mieux, j'espère que l'eau,
Et sans que mon coeur en saigne,
Sous son mémorable règne
Trouvera son Waterloo !
RAOUL PONCHON
le Journal
28 janv. 1906
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