2 oct. 2007

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De la Rose et du Lys
et
quibusdam aliis
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A mon ami O.G. de Mussy


Certainement la Rose
N’a rien de bien morose.
Vous la pouvez vanter
Et la chanter,

Poètes ! C’est la reine,
Voire la souveraine,
Si vous voulez, c’est la
Fleur d’au-delà ;


La grâce, le miracle,
La fleur du tabernacle,
La volupté des dieux,
L’amour des yeux…

Mais, depuis quatre mille
Ans, avant notre Emile,
Vous nous la ressassez :
Assez, assez.

Croyez bien que moi-même
Autant que vous je l’aime,
Et plus, peut-être bien…
On n’en sait rien.

Vous accordez encore
Aux lys le droit d’éclore
Sur le sein de Cypris
Et de Philis ;


Vous trouvez Joliettes
Les yanthines violettes.
Et puis…un point, c’est tout
Et ratatout.

Oh ! parbleu ! je vous laisse
Cette grossière espèce
D’hollandais tulipier,
Ce cul, ce pied

Qui n’admet en principe
Que son âpre tulipe.
Il tient plus de Bedlam
Que d’Amsterdam.

* *


Je dis, bardes hirsutes,
Que vos lyres sont mutes
Pour des milliers de fleurs
De grand’valeurs,

Urgentes, inouïes,
Partout épanouies :
Ne les voyez-vous pas
A chaque pas,

Aussi nobles et pures
Que vos lys sur factures
Et vos roses aussi ?
Ah ! Dieu merci !


Elles poussent sur toutes
Vos montagnes et routes,
Dans vos jardins, vos bois,
Sur vos murs, toits…


Elles sont le mystère
De notre vieille Terre ;
Elles sont notre miel
Essentiel ;

Elles couvrent nos fanges,
Nos linceuls et nos langes
D’un tapis d’Orient
Luxuriant.

Soit simples, soit énormes,
Quelles que soient leurs formes,
Leurs parfums, leurs couleurs,
Toutes les fleurs

Sont également braves,
Egalement suaves ;
Ont droit à vos regards
A vos égards.


Et, telle, humble, effacée,
Où Dieu l’aura placée,
Fera mieux mille fois
Et mille et trois

Sera plus nécessaire
Pour l’artiste sincère,
Le poète ingénu
Intervenu,

Que la plus belle rose
Superbement éclose
Que tel beau lys encor
Aux pistils d’or !



RAOUL PONCHON
le Courrier Français

13 août 1899




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