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Chrysanthèmes
fin de siècle
fin de siècle
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Le chrysanthème est originaire de Corée. Il est importé au Japon où il devient une fleur culte, sans doute une des préférées des Japonais. On l'appelle la fleur d'automne.
En Occident, le chrysanthème fait son apparition en 1789 grâce à un marchand Marseillais. L'exposition universelle de 1900 sera sa vitrine pour la commission impériale du Japon pour en développer l'exportation. On sait par la suite que le chrysanthème sera pour nous la fleur associée au culte des morts pour sa floraison à la période de la Toussaint.
Raoul Ponchon nous livre son sentiment sur cette fleur orientale toute nouvelle ...
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Je sors de ces chrysanthèmes.
J’en suis encore songeux.
Prêt à jeter l’anathème
Sur tout ce qui n’est pas eux.
Tout me paraît dans la rue
Mesquin, insignifiant,
Et toute fleur incongrue
Auprès de cet Orient.
Pourtant un souci m’occupe.
Mes sens seraient-ils absents ?
Ou bien si je suis la dupe
De mes verres grossissants ?
C’est une chose insolite
Que cette Exposition
Qui turbule et désorbite
Mon imagination.
C’est la plus étrange flore
Pour nos regards puérils,
Que puissent nous faire éclore
Les jardiniers subtils.
De vrais monstres que ces plantes
Dont l’œil demeure étonné.
On dirait des fleurs géantes
D’avant que l’homme fût né.
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Elles sont ni majuscules,
De si dévergonds formats
Qu’elles en sont ridicules
Sous nos tempérés climats ;
Qu’on est tenté de leur dire :
« Folles que l’orgueil enfla,
Il faudra vous interdire ;
De grâce, restez-en là.
« Où pourrons-nous bien vous mettre,
Lorsque dans un an ou deux
Vous serez larges d’un mètre.
Ce qui n’est pour moi douteux.
« Nos jardins sont sans espace
Et nos salons ont six pieds.
Faut-il pour vous faire place
D’autres fleurs sacrifier ?
« Il vous faudrait, fleurs d’une aune,
Réintégrer les jardins
Suspendus de Babylone
Où les palais d’Aladin.

« A l’heure qu’il est, vous êtes,
Chrysanthèmes esbrouffants,
Presque aussi gros que des têtes
Ou des derrières d’enfants.
« Et les prunelles humaines
– Je parle pour nos pays –
Répugnent aux phénomènes.
Je le crois et je le dis. »
* *
Non pas que ces chrysanthèmes
Ne rincent l’œil : Ah que si !
Car ils sont la couleur même,
Ils sont la nuance aussi.
Car malgré mon invective
Contre leur zèle excessif,
Ils n’ont, en définitive
Que leur taille d’agressif.
Car vous savez bien, madame,
Que ces chrysanthèmes fous
Se meuvent dans une gamme
De tons chauds, puissants et doux.
Après la pure folie
De l’Eté riant, ils ont
Toute la mélancolie
De la présente saison.
Ce ne sont qu’aurores claires
Et que pourpres des couchants,
Que lilas crépusculaires
Et que rouges pas méchants.

En voici d’or et de soufre,
De neige, à vous ébahir,
D’azur fané…que je souffre
De ne les pouvoir cueillir !
En voilà, par la Madone !
Qui sont absolument verts !
Mais, ceux-là, je vous les donne.
Non, vraiment, ils sont trop verts.
C’est de la caricature.
O jardiniers ! quel besoin ?...
Magnifiez la Nature
Mais ne la trahissez point.
RAOUL PONCHON
le Courrier Français -12 Nov. 1899
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