2 oct. 2007

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Le Soleil lui-même
a des taches
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Jamais, en vérité, ce dicton populaire
Ne fut plus juste qu’aujourd’hui.
Il paraît que sur ce vieux Soleil séculaire
Une nouvelle tache a lui.

Elle a soixante-quinze et mille kilomètres,
Assurent les Flammarions,
*
En son grand diamètre et ce maître des maîtres
Ne s’abuse point, parions.

Soixante-quinze mille ! Hé ! ça n’est pas des prunes.
Savez-vous qu’elle est beaucoup plus
Considérable que la Terre avec ses lunes,
Cette tache, si j’ai bien lu.

Il faudrait, comme on dit, pas mal de queues de vaches
Jointes savamment bout à bout
Pour passer en longueur cette tache des taches
De ce Soleil qui toujours bout.

Soixante-quinze mille, enfants, soixante-quinze !

Et puis, qui sait ? des fractions.
Avouez que c’est bien le cas de dire : Ah, minze !
D’entrer en cogitations.


Quand je pense que moi, mon plus grand diamètre
Est un mètre soixante-trois,
Je me demande comment on peut me permettre
D’élever seulement la voix.

Qu’est-ce que cette tache ? et, quelle est sa chimie ?
Est-ce qu’on le saura jamais ?
En vain se met en frais toute l’Académie
Et le pharmacien Homais.
*

Est-ce que le Soleil si beau, si pur, si vaste
Dont j’ignore le premier mot,
D’ailleurs, ne voudrait plus de son chaleureux faste
Eclairer ce monde marmot ?

Est-il las de nous voir patauger dans la merde,
Dont nous détenons le record ?
Faut-il qu’en le néant notre étoile se perde ?
Ma foi, c’est bien possible encor.

Il se pourrait aussi que cette tache sombre
Ne soit qu’un phénomène obscur
Et non plus et ni moins explicable qu’une ombre
Qui se promène sur un mur ?...


En attendant, il est étrangement bizarre
Que plus cet illustre Soleil
A des taches et plus sa chaleur est barbare.
O Flammarion ! un conseil.

Sont-ce là signes bons ou bien chances…mauvaises,
Qui passent mon entendement ?
Perdons-nous dans le champ des noires hypothèses
Et buvons très tranquillement.



R.P
le Courrier Français - 18 sept. 1898


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