11 oct. 2007

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LE VEAU DE NOTRE ONCLE
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" Au temps où j'avais une vache,
pour être certain d'avoir du lait pur,
elle me donna un veau. il y eut
dans la famille une délibération
orageuse pour savoir ce qu'on
ferait de ce veau... "
F. SARCEY, Figaro.




" Au temps où j'avais une vache
(Il y a longtemps de cela),
Pour avoir du lait pur, sans tache,
Voilà qu'un jour elle vêla.

" Un veau magnifique, superbe,
Au poil soyeux, au fin museau
Semblant déjà renifler l'herbe,
Aux yeux... autant dire, de veau.

" Une violente bisbille
Alors, au sujet du pauvret,
Sévit au sein de la famille,
A savoir ce qu'on en ferait.

" Je ne pouvais me mettre en tête
Que cet animal chez moi né
Et fils d'une excellente bête
Fût pour moi-même condamné

" A passer en des mains hideuses,
Connaîtrait le couteau rageur
Et tout ça, pour quelques semeuses
Que me pairait son égorgeur.

" Ce n'est pas pour ses beaux yeux, certe,
Que j'hésitais à le lâcher ;
Mais je le voyais, gorge ouverte,
Déjà, chez un affreux boucher.


" Cela m'était insupportable.
Je voyais encore mon veau
Sur de l'oseille et sur ma table,
En fricandeaux, en godiveau...

" Mon veau de mine si gentille !
Est-ce qu'en somme il n'était pas
Un petit peu de la famille ?
M'en voyez-vous faire un repas ?

'' J'aime les veaux d'amour extrême,
Je l'avoue, en sage, en chrétien.
Et c'est parce que je les aime
Que je suis végétarien.

" Or, quelqu'un de mon entourage
Me dit, non sans quelque raison,
Que tout de même il n'est pas sage
D'avoir un veau dans sa maison.

" Un veau, c'est encombrant, stupide...
Encor si c'était un cochon !
Un cochon est au moins lucide
Et bien autrement folichon.


" Et puis, faut songer à la bourse :
On nourrit un cochon pour rien.
Enfin on a cette ressource
De l'appeler Fabricien...

" On me fit remarquer ensuite
Que mon veau ne serait pas veau
Tout le temps... il grandirait vite,
Et ce veau deviendrait taureau ;

" A moins qu'en des laboratoires
Il ne fût un jour rendu veuf
De ses - comment dirai-je ? - histoires,
Et ne devint, de ce chef, boeuf.

'' Je me rendis, c'était plus sage,
A ce puissant raisonnement ;
Mais j'ai toujours gardé l'image
Dans mon coeur, de ce veau charmant.

" Donc, il me quitta. C'est la vie !
Il faut en prendre son parti.
Ayons quelque philosophie
En ce monde si mal bâti.

" Si tu veux de la gibelotte
Que fais-tu ? tu prends un lapin ;
Comme tu fauches, saperlotte !
Le blé pour te pétrir du pain.


" Eh bien, pour le veau à l'oseille,
Vois-tu, c'est kif-kif bourrico :
Il te faut d'abord de l'oseille,
Et puis, hélas ! tuer un veau. "


pour copie informe :
RAOUL PONCHON
le Journal
13 fév. 1899



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