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A l'époque de Noël,
De Paris à Ventimille,
Il est traditionnel
De manger l'oie en famille.
Usage d'ailleurs charmant,
Qui peut devenir corvée ;
Croyez bien que fréquemment
La chose m'est arrivée.
Et, tout d'abord, tu dirais,
En ce jour de la naissance
Du Sauveur, que tout exprès
Les gens de ta connaissance
Sont dehors non pour muser,
Mais pour guetter une proie,
Pour, à leurs amis, poser,
Si j'ose dire, une oie.
*
* *
" Venez donc à la maison
Demain. Nous aurons une oie,
Te dit l'un. C'est sans façon...
Vous nous ferez une joie !... "
Un autre, sur ton chemin :
" Ah ! c'est le ciel qui t'envoie !
J'allais t'écrire. Demain,
Je te retiens pour une oie... "
" C'est que je suis pris demain ",
Dis-tu. " Qu'à cela ne tienne.
Alors, viens après-demain. "
C'est toujours la même antienne.
Pour une oie ou deux, tu sais,
Ne crois pas en être quitte.
Tiens, qu'est-ce que je disaus ?
Un troisième ami t'invite.
Dis à ce nouveau venu
Que ce serait une aubaine...
Mais que tu es retenu,
Et pour toute la semaine,
Le chameau te répondra,
Inflexible comme un chêne :
" Eh bien, mon vieux, ce sera
Pour la semaine prochaine.
" Je la garderai pour toi,
D'autant qu'elle peut attendre ! "
" L'oie ? Ah ! ooui, si c'est pour moi,
Bien sûr qu'elle peut attendre ! "
Non. Tu devras la manger,
A moins de prendre la fuite
Vers un pays étranger,
Résigne-toi tout de suite.
Et pendant sept ou huit jours,
N'importe chez qui tu ailles,
On te sers l'oie, et toujours,
Et pour toutes victuailles !
Le premier jour, ça n'est rien.
Le deuxième, passe encore.
Le troisième, on voudrait bien
Se trouver à Singapore ;
Le jour quatrième, on brait,
Et le cinquième, on aboie.
On dit, comme qui dirait :
" Ouah ! ouah ! oie ! oie ! oie ! "
RAOUL PONCHON
le Journal
28 déc. 1908
De Paris à Ventimille,
Il est traditionnel
De manger l'oie en famille.
Usage d'ailleurs charmant,
Qui peut devenir corvée ;
Croyez bien que fréquemment
La chose m'est arrivée.
Et, tout d'abord, tu dirais,
En ce jour de la naissance
Du Sauveur, que tout exprès
Les gens de ta connaissance
Sont dehors non pour muser,
Mais pour guetter une proie,
Pour, à leurs amis, poser,
Si j'ose dire, une oie.
*
* *
" Venez donc à la maison
Demain. Nous aurons une oie,
Te dit l'un. C'est sans façon...
Vous nous ferez une joie !... "
Un autre, sur ton chemin :
" Ah ! c'est le ciel qui t'envoie !
J'allais t'écrire. Demain,
Je te retiens pour une oie... "
" C'est que je suis pris demain ",
Dis-tu. " Qu'à cela ne tienne.
Alors, viens après-demain. "
C'est toujours la même antienne.
Pour une oie ou deux, tu sais,
Ne crois pas en être quitte.
Tiens, qu'est-ce que je disaus ?
Un troisième ami t'invite.
Dis à ce nouveau venu
Que ce serait une aubaine...
Mais que tu es retenu,
Et pour toute la semaine,
Le chameau te répondra,
Inflexible comme un chêne :
" Eh bien, mon vieux, ce sera
Pour la semaine prochaine.
" Je la garderai pour toi,
D'autant qu'elle peut attendre ! "
" L'oie ? Ah ! ooui, si c'est pour moi,
Bien sûr qu'elle peut attendre ! "
Non. Tu devras la manger,
A moins de prendre la fuite
Vers un pays étranger,
Résigne-toi tout de suite.
Et pendant sept ou huit jours,
N'importe chez qui tu ailles,
On te sers l'oie, et toujours,
Et pour toutes victuailles !
Le premier jour, ça n'est rien.
Le deuxième, passe encore.
Le troisième, on voudrait bien
Se trouver à Singapore ;
Le jour quatrième, on brait,
Et le cinquième, on aboie.
On dit, comme qui dirait :
" Ouah ! ouah ! oie ! oie ! oie ! "
RAOUL PONCHON
le Journal
28 déc. 1908
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