2 oct. 2007

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LA QUESTION EN QUESTION
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La question est obscure
Et claire tout à la fois
Dont, en ce moment, a cure
La pauvre France aux abois.

Claire comme un coup de trique,
Comme l’étoile qui luit ;
Obscure, cryptogamique
Comme un nègre dans la nuit ;

Obscure, ça va sans dire,
Pour qui ne veut rien savoir,
Et claire jusqu’au délire
Pour les ceuss qui veulent voir.

Elle n’a pas d’importance _
Il semble - au premier abord,
Bien qu’elle soit pour la France
Question de vie ou de mort.

Le plus grand clerc en Sorbonne
En donne sa langue au chat.
C’est vraiment, me dit ma bonne,
Se noyer dans un crachat.

Un enfant pourrait prétendre
A s’y reconnaître ? Eh bien,
Il faudrait un Alexandre
Pour trancher ce nœud gordien.

La trancher, c’est la résoudre,
C’est une fois en finir.
Mais des gens se feraient moudre
Plutôt que d’en convenir.

Elle est concave et convexe.
Elle arrivera sous peu,
A ne plus avoir de sexe,
De pays, ni de bon Dieu.

Elle est vague, giratoire,
Vraiment ce qu’elle a giré,
En passant par le prétoire,
En s’attardant au curé !

L’un la pose à sa manière,
Et l’autre, différemment
C’est d’où, dans la France entière,
Cet âpre chambardement.

Les Homais et les cervelles
Qui vivent sur les sommets,
Etant lignes parallèles
Qui ne s’atteindront jamais,

Pour les uns , en ces disputes,
Il suffit d’un artilleur ;
Pour d’autres, horribles brutes,
Raisonner paraît meilleur.


*
* *


Il est clair que, pour le sage,
Ca dépend de l’angle sous
Lequel il vous envisage
Cette question d’un sou…

En attendant, comme l’herbe
Elle croit, et peut vraiment,
Comme les vers de Malherbe
Durer éternellement.

Ai-je besoin de vous dire
Que je pourrais de ce pas
La débrouiller sur ma lyre ;
Mais je préfère ne pas…

Ce serait faire œuvre impie,
J’aime mieux me tenir coi :
Car, où trouver sa copie,
Ensuite ? Et parler de quoi ?

Seigneur, dieu de la Nature,
Fais que cette question
Soit éternelle, au moins dure
Jusqu’à l’Exposition.



Raoul Ponchon
Journal 10 11 1898


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