11 oct. 2007

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" Le RIRE "
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1887 :
édition de " Le Rire '' par Coquelin Cadet : * *
"On a beaucoup écrit sur le rire, mais on n'a pas déterminé d'une façon absolue ce qui fait rire."
Raillerie de Ponchon qui aime les règles du rire imposées ...
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EPITRE à CADET


Prince des rigolos, grand électeur des fous,
Pape des Algonquins, czar des Topinambous,
Roi de partout ou bien d'un pays analogue
Et grand mamamouchi du sombre monologue,

Tu t'abuses, Cadet, mais d'ailleurs je m'en fous,
Si tu crois installer le rire parmi nous ;
Tu ressusciterais plutôt une momie,
Tu démomifierais plutôt l'Académie,
Et tu serais toi-même académicien
Avant de retrouver le beau rire ancien ;
Le rire éblouissant, écarlate et sonore
Comme le chant du coq éclatant dès l'aurore,
Le rire aux belles dents, le rire triomphant
De la rose qui s'ouvre et du petit enfant.

ill. Sapeck

Toi que voilà passé maître dans l'art d'écrire,
Enseigne-moi, Cadet, où tu trouves ton rire ?

A peine es-tu levé que déjà tu te tords
Sans doute, moi je sue et fais de vains efforts :
Veux-je me figurer quelque chose de drôle ?
C'est tout au plus si je vois Maubant dans un rôle
Gai ; pensé-je exprimer un auteur clair et net
La raison dit : Flaubert, la rime : Jorjonet.

O bienheureux Cadet dont la fertile plume
Peut plusieurs fois par mois enfanter un volume,
- Tes écrits, il est vrai, font hurler le bon sens
Mais ils sont feuilletés par les convalescents,
Et dans convalescents, il y a le mot... frère.
Je te mets au défi de dire le contraire ;
Et ces convalescents sont guéris pour toujours :
Les sains deviennent fous, et les aveugles, sourds.
Quand ton petit dernier parut, dénommé Rire,
Ma joie en l'apprenant ne se saurait décrire.
Je revins tout exprès de la campagne, afin
De l'acheter et pour savoir le fin du fin :
Dès le début voici ce qu'il m'a fallu lire :
Supposons, nous dis-tu, dans ton sacré délire,
Avec le fier aplomb d'un joueur de piano,
Que l'on soit enivré par un air de Gounod
Et qu'à ce moment même on entende : Derrière
L'Omnibus, ça fera rire une salle entière ;
Ah bien, ouiche ! Oh là là ! Diable ! ous'qu'est mon Pernod ?
D'abord on n'est jamais enivré par un air de Gounod,
Et puis, sache ceci, Cadet, c'est que " Derrière
L'Omnibus " de Gounod vaut l'oeuvre tout entière.
C'est bien en vain aussi que tu te consumas
A nous faire admirer le rire de Dumas,
De Feuillet, Pailleron... d'un tas d'autres espèces ;
Tous ces rires forcés et ces verves épaisses
Sont abolis autant que Loïsa Puget.
Qu'ont ces hurluberlus à faire en ton sujet ?
Si ce sont là vraiment tes fournisseurs de rire,
Je répugne à ton livre et ne veux point le lire.
Si tu me donnes ça pour de l'argent comptant
Tu me permettras bien de n'être pas content.

ill. Wipdhopf

Et bien, non ! comble-moi jusqu'au bout d'amertume.
Et voyons ce que dit la suite du volume.
Quoi ! tu parles encor de gais enterrements ?
Ceux de jadis sans doute avaient des agréments,
Faisaient passer une heure ou deux, je te l'accorde ;
Mais ces plaisirs-là sont usés jusqu'à la corde :
Les frères Lionnet, mon cher, ont tout gâté ;
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Ils ont fait de la mort un plaisir à côté,
Et les enterrements sont des choses affreuses
Depuis qu'ils sont suivis par ces tristes pleureuses.
Ah ! ceux d'hier étaient tout simplement divins :
On allait se finir chez le marchand de vins,
Je m'en souviens encor, chacun chantait la sienne ;
Qui nous raménera cette coutume ancienne ?


Mais ici, mon Cadet, laisse-moi rire un peu...
Là. C'est fini. J'en avais besoin, nom de Dieu !
Enfin puisque tu sais tout ce qui nous fait rire,
Je serais curieux de te l'entendre dire.
Je déclare que moi je commence à m'user
A chercher comment rire et comment s'amuser :
Faut-il se marier ? Se faire gendrelette,
Ou se précipiter du haut d'une fenêtre
Sur le pavé ? Faut-il - ce serait un vieux tour -
De Notre-Dame aller dérober une tour ?
Je n'irai toujours pas à ton fichu théatre ;
C'est bien de tout Paris l'endroit le moins folâtre,
Surtout quand Lebargy va jouant Perdican,
Qu'il joue, à ce qu'on dit, à la mode de Caen ;
Ou, principalement, lorsque Maubant lui-même
Déclame magnifiquement des vers, médème.
Peut-être qu'autrefois... du temps de Coquelin ?...
Sans doute, mais alors on jouait Poquelin.
Tiens ! j'y pense, Cadet, n'était-ce point ton frère ?
Un peu de son génie à ton insu t'éclaire,
Vrai, je ne blague pas, les dieux m'en sont témoins !
Mais ne te faisons pas de la réclame, à moins
Que tu veuilles payer cinquante francs la ligne :
Telle est dans le Courrier Français notre consigne.


Tu disais donc, Arbate, ou c'est moi qui disais,
*
- Tout en te souhaitant un énorme succès -
Que ton Rire c'est aux bourgeois que tu l'adresses,
Aux bourgeois bourgeoisant des vingt-cinq mille adresses :
Car ce n'est pas ainsi que nous rions chez nous ;
Nous t'avions l'autre soir offert un rendez-vous,
Nous avions pour te plaire enfanté des merveilles :
Des amis t'attendaient ainsi que des bouteilles,
Mais tu te déployas plus loin en tirailleurs :
- Lorsque l'on rit ici, toi tu vas rire ailleurs.

Et, mon rose Cadet que la honte dévore,
Voici le mien chapitre où je te pince encore :

Tu nous parle du " rire à table ", mon petit,
Mais as-tu seulement pour deux liards d'appétit ?
As-tu donc quelquefois, ô sobre épouvantable,
Goûté le doux plaisir d'avoir le ventre à table ?
T'attendris-tu jamais sur un verre de vin ?
Non. Laisse alors en blanc ce chapitre, homme vain !
C'est d'un bon estomac que part le meilleur rire,
Je suis prêt à le soutenir jusqu'au martyre ;
Demande à Merlatti, si tu ne me crois pas :
Il est autrement gai quand il fait des repas ;
Et pour avoir un bon estomac - on veut croire -
Il faut très bien manger comme il faut très bien boire.


Aujourd'hui tu vois bien, malgré tes cheveux blanc
Que tu passes ton temps à te battre les flancs,
Que tu nourris ton Rire avec ça dont le type
Est l'infâme et niais : Comment vas-tu yau d'pipe ?
Ne vis-tu pas encor de mots sur l'Odéon
Cacochymes déjà du temps d'Anacréon ?
Et je crois bien, qu'à mort poursuivant ta chimère,
Quand il ne restait plus qu'une belle-mère
Tu lui ferais un sort dans un puissant écrit
Qui du génie humain serait le dernier cri.
Pour nous persuader que tu ris, tu grimaces,
Cela ne peut tromper que de lointaines masses ;
Non, non tu ne ris pas à gorge d'employé,
Tu ris comme un bourgeois qui paye son loyé.
Comme à l'approche du jour de l'an, la portière,
Comme un Comédien Français à part entière !
Ton rire est bon pour les abonnés du mardi,
Les Brésiliens ou les inondés du Midi ;
Enfin, parfois aussi, pour comble d'infortune,
Tu fais rire le gros Sarcey, comme la lune.
Après la pièce tu mets ce rire, dit-on,
Aux accessoires, près du poulet en carton,
Car voilà bien le hic, diseur opiniâtre,
Ton Rire c'est celui qu'on entend au théatre.
Mais ce qui est alors plus assommant que tout
Tu nous le fais entendre horriblement partout ;
Ces monologues nuls qu'en tous lieux tu colportes
Font grincer de douleur et fenêtres et portes ;
On ne peut faire un pas dans la vie, ou dehors
Sans être suivi par ce rire de... Cahors.
Vaste comédien que la rage possède,
Ta présomption à nulle autre ne le cède :
On te voit dans tous les salons ; n'admettant pas
Que l'on puisse sans toi rire après un repas.
- Attendez-moi pour rire, et l'on t'attend pour rire ;
Tu dis : Je suis l'entrain et je suis le délire
Et j'apporte la joie aux plis de mon manteau,
Vous serez obligés d'en convenir tantôt.
Alors, de confiance, on voit les jeunes filles
De rire se courber ainsi que des faucilles
A quelques monocoquelogues polissons,
Au lieu de s'amuser avec de beaux garçons.
Et de plus, tu leur dis, avec ta voix de brême :
" Vous rirez, mes enfants, quand je rirais moi-même. "
Et bien alors sois-le (1), si c'est là ton bonheur,
Mais tu nous abrutis, ma parole d'honneur !
Et nous serons bientôt aussi bête qu'une oie,
Tous déshabitués du rire et de la joie,
Car pour cela tu fais, oh ! je te le promets,
Tout ce qu'il faut pour qu'ils s'en aillent à jamais.
Assez. Sur ce sujet j'userai ma luette.
Voilà pourquoi, mon cher, votre fille est muette.
Et sur ce, sans rancune, ami, porte-toi bien,
Tâche de boire frais, tout le reste n'est rien.
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le Courrier Français
07 août 1887
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(1) Sois-le, c'est-à-dire : Sois heureux. Je dis cela pour Jorjoné.
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