13 oct. 2007

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l'Art d'accommoder les ministres
par
Raoul Ponchon
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les hommes politiques par Willette


Le gent gratte-menu réclamant, ce dit-on,
Un ministre des lettres,
Un confrère obligeant s'accroche à mon veston
Pour me prier de l'être.

A d'autres, cher Monsieur, je ne suis point si fol
Que vous le pourriez croire.
Et ne me laisserai point mettre le licol
Comme ça, sans savoire.

Ainsi donc, il vous faut un ministre ? Fort bien...
Mais ... Porquoi faire, en somme ?
Tiens ! Vous ne dites mot ? Serviteur, citoyen,
Je ne suis pas votre homme.

Qu'en pleine mer un équipage naufragé
Tire à la courte-paille,
Afin de savoir qui, qui, qui sera mangé,
Fallait pas qu'il y aille.

Mais si respectueux que soit mon dévouement
Pour la littérature,
Plutôt que de compter sur moi comme aliment,
Mettez-vous la ceinture.

D'ailleurs votre appêtit serait déçu : ma chair
N'est pas très savoureuse,
Ni bien grasse, et vraiment vous m'en auriez, mon cher,
Que pour votre dent creuse.

Pourtant point je ne veux qu'ayant poussé mon huis
Vous repartiez bredouille.
Je vais donc vous donner quelques conseils gratuits
Pour votre ratatouille.

D'abord ne cherchez point l'élu de votre coeur
Parmi les gens de plume.
Rien ne vaut pour calmer du ventre la clameur
Une grosse légume.


Ayez un Magineau bien lavé, bien vidé,
Une assiette et du beurre.
Faites-le dégorger dans de l'eau de Bydé
Pendant un bon quart d'heure.

Priez de Jouvenel qu'il vous prête un navet
A titre bénévole.
Et je serais surpris si de Selves n'avait
Point de casserole,

Où vous laisserez mijoter sur un feu doux.
Puis coupez en rondelles.
Saupoudrez de gruyère, et servez chaud. Que vous
M'en direz des nouvelles.

Pour corser le menu, le Trocquer fournira
Le hachis. Si vous n'êtes
Encor pas satisfait, Raiberti s'offrira
Pour faire des boulettes

Un Bonnevay couché sur son lit de fayots.
C'est une belle pièce,
Par quoi Charles Bernard promet que vos boyaux
Seront mis en liesse.

Souvent un bon ministre est un effet de lard.
Chéron en fut la preuve.
Qu'un bon Chéron de lait, arrosé de pomard,
- Car il sied qu'on s'abreuve -,

Couronne ce repas fait pour Pantagruel,
Et propre à rendre vie
Aux povres écrivains frappés du mal cruel
Qu'on nomme la Steyrie.



GEORGES-ARMAND MASSON
ou
LE PARFAIT PLAGIAIRE
Edition du Siècle
1924


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