3 oct. 2007

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A RAOUL PONCHON
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Parce qu’il fait rire et qu’il rit
S’amusant à ce qu’il nous conte,
Et que ce sage a de l’esprit,
Les sots en tiennent peu de compte.

On trouve qu’il est négligé,
Que ses vers sont d’un art facile :
Une idée, en passant, que j’ai,
C’est qu’il est est maître fort habile.

Avec ses airs de boire un coup
Ou bien de faire le bonhomme,
Entre plusieurs, entre beaucoup,
Je le choisis et je le nomme.

Il a des mots inattendus
Qu’on attendrait bien des années,
Et qui sont de force entendus
Par des oreilles couronnées.

Il fait des fautes tout exprès
Pour voir et s’aiguiser la langue ;
Regardez cela de plus près :
C’est un diamant, non sa gangue.

Il parle franc et parle bien,
De tant de choses qu’on s’étonne
De ne rencontrer presque rien
Qui périclite ou qui détonne.

Au milieu de triste fatras
De notre muse prolifique,
Simple, sans faire les grands bras,
Devant le vieillard magnifique

Qui s’en venait, passant chez nous,
Morne, les paupières flétries,
Et n’ouvrant plus son grand cœur doux
A l’illusion des patries,

Devant le spectre de tels maux,
Cessant un instant de sourire,
C’est lui qui trouva les seuls mots
Que nous pussions oser lui dire.


Albert MÉRAT
1902
les Joies de l'Heure
le coin des poètes

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