11 oct. 2007

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LA BOUILLABAISSE
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La bouillabaisse est un étrange salmigondis...
H. Debusschère.




La France est un pays charmant,
Et tu le dis excellemment
Dans ta chronique, ô Debusschère !
Etant au suprème degré
Le pays cent fois consacré
Du vin et de la bonne chère.

Certe, on peut aller n'importe où ;
Il n'est chez nous si petit trou,
Dans un coin perdu de province,
Qui n'ait sa spécialité,
Sa friandise, en vérité,
Digne de la... bouche d'un prince.



Quant au vin, je n'en dirai rien.
Si j'en parlais, Dieu sait combien
Je tomberais dans l'hyperbole.
J'affirme néanmoins ceci,
Que les vins nés ailleurs qu'ici
Ne sont que de la rocambole.

C'est là ton avis, c'est le mien.
Mais, où je ne comprends plus rien,
C'est lorsque ta plume rabaisse,
En des termes plutôt hardis,
Au rang d'affreux salmigondis
L'incomparable bouillabaisse !



Je veux croire, mon pauvre ami,
Que c'est un lapsus calami,
Si ce n'est que ta cuisinière
T'aura servi sous ce nom-là
On ne sait quel rata... Voilà.
Ah ! dame ! il y faut la manière.

Salmigondis, c'est bientôt dit
Vous l'entendez, gens du Midi !
Ah ! mon Dieu ! troun de l'air, bagasse !
Peut-on éprouver du dégoût
Pour cet aliment de haut goût !
Quoi ! faire fi de la rascasse !


Moi, je dis que le cuisinier
Qui sut mélanger le premier
Avec mesure, avec sagesse
Ces poissons et ces condiments,
Et d'autres divers éléments
Qui constituent la bouillabaisse,

Mérite une statue en or,
Car il établit un record :
C'était un homme de génie.
Dans tous les cas, à tout jamais,
Par les véritables gourmets
Sa mémoire sera bénie.


Oui, Debusschère que voilà,
La bouillabaisse est un peu là ;
C'est une des moins contestées
Culinaires combinaisons,
Et, pour mille et une raisons,
Que l'homme ait jamais inventées.

Et les Marseillais n'ont pas tort
S'ils en hâblent, coquin de sort !
Sache donc que, moi qui te parle,
J'y attache le même prix,
Et je le dis sans parti prix,
N'étant de Marseille ni d'Arles.



RAOUL PONCHON
le Journal
08 août 1910



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