9 oct. 2007

.
.
.
AFFICHES ELECTORALES
.
.
J'entends un bruit proche...
Sont-ce des voleurs ?
Au fond de ma poche,
Serrons mes valeurs.
La nuit est tombée,
Je n'ai nulle épée,
Même prohibée...
Pour mon grand malheur.

C'est que, diable ! à cette heure,
Il faut se méfier,
Surtout quand on demeure
Dans un fichu quartier.
Aujourd'hui des crapules,
Sans autres préambules,
Ne se font nul scrupule
De vous estropier.


Mais non... que je suis godiche.
Je vois des bandits partout.
Ce sont des colleurs d'affiches
Que j'entends, et qui, sur tout,
Collent des placards futiles.
Ils s'engueulent dans ce style
Cher à nos braves édiles,
A nos députés itou.

Et c'est ainsi que te voilà couverte,
Belle cité, de papiers enjôleurs
Te voilà rose et jaune, bleue et verte.
Que de serpents se cachent sous ces fleurs !
Qui sait si cette flore hyperbolique
Ne serait pas comme ta symbolique ?
En tous les cas, sous cette République,
On t'en fait voir de toutes les couleurs.



Si ces placards de nos édiles
Sont peu pour nous édifier,
Je les crois, du moins, fort utiles
A ceux-là d'un autre métier ;
Sans leur prurit déclamatoire
Autant que prolixe, on veut croire,
Ce serait la misère noire
Pour les fabricants de papier.


Donc, je suis sauf. Bonne affaire !
Voire, ces hommes de bien m'incitent, de plus, à faire
Mon devoir de citoyen.
Aussi bien, voter devrai-je...
Mais, hélas ! par sortilège
Je ne suis d'aucun collège,
Je n'en ai pas le moyen.

Et puis, sous Paul ou Jacques,
Notre pauvre cité
Sera... finie à Pâques
Sinon la Trinité...
Car, depuis mon baptême,
Qu'elle soit rouge ou blême,
C'est bien toujours la même
Municipalité...


Et puis, je m'en fiche.
Allons nous coucher.
Mais, où donc est ma niche ?
J'ai beau la chercher...
Le diable m'emporte !
Ils ont, à leur sorte,
Placardé ma porte...
Ah ! ça... c'est tricher !


RAOUL PONCHON
le Journal
6 mai 1912





Aucun commentaire: