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La Traite des Noires
.Voilà quelques dimanches
Que la traite des blanches
Revient sur le tapis.
Tant pis, tant pis.
Car, qu'est-ce que ça prouve ?
C'est qu'encore se trouve
En laboration
La question.
L'on hâble et l'on palabre
Sur ce sujet macabre,
Et l'on tient des congrès,
Et puis, après ?...
Les naïves donzelles
Plus ou moins demoiselles,
En paient toujours les pots.
A ce propos,
Puisque tant l'on s'épanche
Sur le sort de la blanche,
En somme, dites-moi,
Messieurs, pourquoi
On se désintéresse
Du sort de la négresse,
de cette sombre chair
Chère à Schoelcher ?
* *
Un fait sûr - où je rêve -
Aussi constant qu'un glaive
Qui sort de son étui,
C'est qu'aujourd'hui
Il n'est de maison close,
De salon où l'on cause,
Où de vieux Némorins,
Vrais suzerins,
- Disons-le sans ambage -
Ont le droit de jambage,
Qui n'ait sa bamboula,
Son Atala.
Eh bien, d'où viennent-elles,
Némorins, ces Estelles ?
Ont-elles émigré
De leur plein gré ?
Oh ! non pas, que je sache.
Croyes qu'on les arrache
A leurs bambous altiers,
Leurs cocotiers.
D'ineffables crapules,
Des êtres sans scrupules
Font reluire à leurs yeux,
Sous d'autres cieux,
Une existence double
Sans mélange et sans trouble,
De monstrueux cocos
Et des lingots...
Une fois sur nos rives,
Qu'est-ce qu'il leur arrive ?
On va les dédier
A quel métier ?...
Au métier chimérique
Que font en Amérique
Les blanches de chez nous,
A pleins genoux.
Elles sont enfermées
En maisons malfamées,
Dieu ! qu'en rose peignoir
Leur cuir est noir !
Et là, suivant qu'un homme
La désire et la nomme,
Elle monte ou descend ;
Cela dépend.
Au bout d'un court espace
Qu'est-ce alors qui se passe ?
Loin de s'apprivoiser,
Civiliser,
Eh bien, le moindre sauvage
Devient anthropophage,
C'est de quelque intérêt
Pour vos congrès.
RAOUL PONCHON
le Courrier français
26 oct. 1902
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