2 oct. 2007

.
.
Une Statue à Colardeau
*

A Jean Goudeski *

On va élever un monument au poète Colardeau
et c’est M. Deschanel qui préside le comité d’honneur
définitivement constitué.
(Journaux)

L’originalité n’était pas le plus grand de ses dons.
Il aimait les œuvres d’autrui, car elles lui servaient
à en écrire ce qu’il signait.
(Echo de Paris)


Comme nul ne l’ignore,
Hugo n’a pas encore
Sa statue au soleil.
Un sort pareil

Depuis déjà maint lustre
Sévit sur cet illustre
L’impeccable Gautier,
Roi du métier.

Musset attend la sienne,
– Autant qu’il m’en souvienne –
L’a-t-il ? Toi qui sais tout,
Dis-moi, c’est où ?

Ni le doux Baudelaire
Ni ce mythe solaire
Villiers de l’Isle-Adam,
Ni Lélian

N’ont la leur. O misère !
La somme nécessaire
On ne peut la trouver.
Ça fait rêver.

Et tandis ces poètes,
Ces âmes et ces têtes
Attendent vainement
Un monument ;

Tandis que ces robustes
N’ont pas même leur buste
On voit, glorifiés,
Des culs, des pieds !


C’est à rire. On en pleure.
Pas plus tard que sur l’heure,
Dans sa stupidité,
Un comité

S’active, s’évertue
A fondre la statue
Mon brave Goudeski,
De qui, de qui ?...

Je te le donne en mille…
D’un datant de…l’an mille,
D’un méchant buveur d’eau,
D’un Colardeau !

Le plus beau c’est qu’ils trouvent
Des gens qui les approuvent
Et des fonds redondants !
Ah ! Seigneur ! dans

Quel almanach des Muses,
Dans quelles âpres buses
Etrennes d’Apollon
Quel pantalon

Ont-ils pris ce derrière
(Colardeau, Charles-Pierre)
Académicien
Béotien ?

Auprès duquel espiègle
Leygues paraît un aigle,
Deschanel un aiglon,
Voire un Villon.

Un bronze à ce pedzouille !
Un marbre à cette andouille
Qui commettait sous lui
Les vers d’autrui !


D’ailleurs, en quelque sorte,
A toi je m’en rapporte :
Ses vers les as-tu lus ?...
Ni moi non plus.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français - sept.1901




1 commentaire:

Anonyme a dit…

Avez des infos concernant ce texte que Ponchon a dédié à Goudezki ?