8 oct. 2007

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Mince de froid !
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Hélas ! mon Dieu, que faire
Par ces froids de misère
Qui glacent nos zozos
Jusques aux os,

Qui font rentrer sous terre
Un gueux sur une paire
Et sortir aux abois
Le loup des bois

Maigre comme un carême :
Et les boas eux-mêmes
Du sein des vétyvers,
Avant l’hiver,

Car on est en automne
Encor que ça t’étonne,
Au moins jusqu’au vingt-un,
M’a dit quelqu’un.

Et malgré ça la Seine
La semaine prochaine,
Voulez-vous parier ?
Va charrier.

Là ! que faire ? vous dis-je,
Par ce froid de prodige ?
Se réchauffer comment,
Tant seulement ?

On ne se sent plus homme,
On a le …gelé comme
Si l’on venait de la
Bérésina ;

L’oreille décolée,
Les doigts morts sous l’onglée…
On aurait bien plus chaud
Etant manchot.

Vais-je rester en chambre
A me compter les membres,
En tisonnant un peu
Au coin du feu ?

Peuh ! c’est bien monotone ;
Et puis je n’ai personne
A mettre – voyez-vous –
Sur mes genoux.


Irai-je voir à Nice
Si la vieille complice
Du hideux Chamberlain
Y bat son plein ?

Car, à ce qu’on raconte,
La Queen, en fin de compte
Préfère encor nos cieux
Pour leurs beaux yeux.

Irai-je, ô mes méninges !
Dans ce palais des singes
Qu’un certain bruit qui court
Dit : Haute Court ?

Non. J’aime mieux mon âtre.
Puis, je crains le théâtre :
J’y pourrais bien geler
Sinon brûler.

Où faut-il donc que j’aille
Profiler ma médaille ?
Irai-je patiner
Avant dîner

Dans le Bois de Boulogne ?
Je le dis sans vergogne
J’abandonne ce sport
Au pôle Nord.

Faut-il suivre la foule
Qui sans arrêt s’aboule
En ton hall, Olympia,
Si beau, si bia ?

Ça, j’appelle une idée
Qui n’est pas trop ridée ;
J’y vais aller tantôt,
Il y fait chaud ;

On y boit des toniques,
On entend des musiques
Qui jouent des airs hongrois
Devant les rois !...

En attendant, je pense
Sous le froid qui m’offense
A ces trop heureux Bours,
Ces bons pastours

Braves comme Henri Quatre,
Se réchauffant à battre
La semelle sur les
Dos des Anglais.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français
17 déc. 1899





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