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Le crâne
de la Princesse de Lamballe
.On vient de trouver un crâne que l'on suppose
être celui de la Princesse de Lamballe.
D'aucuns le nient...
(Journaux)
La Princesse de Lamballe *
Avait-elle un crâne ? Voui,
Avant cette heure fatale
Qu'il fut loin d'elle enfoui.
Or, ce crâne centenaire -
Guère plus, son heure a lui.
Et quoi d'extraordinaire
Que l'on le trouve aujourd'hui ?
Tandis d'affreux démagogues
Disent qu'il n'en reste rien,
Des savants crâniologues
Le reconnaissent très bien.
" C'est là ton crâne, ô princesse !
A maint signe je le vois.
C'est bien ton front de duchesse...
- Disent-ils tout d'une voix.
" Voici tes blanches quenottes
Qui semblent nous rire encor ;
Voici tes yeux, ô Charlotte !
Beaux de leur ancien décor.
" Et c'est ce galbe admirable...
Et c'est ton nez... las ! tonnez ! "
Ainsi sur ce crâne on hâble,
Et sur un mode alterné.
Est-il le vrai ? Dieu me damne
Si j'entre entre cet altercas.
Se prononcer sur un crâne,
Fut toujours très délicat.
Moi, je le crois authentique
Celui-là qu'on me soumet.
d'un corps aristocratique
Il marque bien le sommet.
D'autres n'en font que sourire.
Il ne faut affirmer rien ;
Mais je puis toujours vous dire :
Ce crâne n'est pas le mien.
Hé ! mes pauvres imbéciles,
Vous ne fûtes pas toujours
En crânes si difficiles,
Vous savez bien, tas de sourds,
Qu'il y a, de part le monde,
Maint crâne très discuté,
En qui la foule à la ronde
Croit avec naïveté.
Pourquoi faire tant d'histoires
Pour celui-ci ? C'est vilain.
Vous admettez trois mâchoires,
Sinon plus, de Poquelin...
Le crâne aussi de Voltaire,
Alors qu'il était enfant ;
Et vous criez au mystère
Pour un de plus, c'est crevant.
Sans vouloir que l'on s'emballe
Jusques à devenir fol,
Pour ce crâne que Lamballe
Avait ou non sur son col ;
Adoptons-le dans le doute.
Un de plus, de moins, mon Dieu !
Qu'est-ce que ça peut nous fout(r)e ?
Je vous le demande un peu.
Mettons-le dans une châsse,
Et allons rêver devant,
C'est bien le moins qu'on fasse
Pour la pauvre ci-devant.
Quant à vous, jeunesse folle,
Que ce crâne, des moins durs,
Nous sert comme le symbole
Des chambardements futurs !
Raoul Ponchon
le Courrier Français
25 sept. 1904
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