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TEUF-TEUF…
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Vous l’avez vu cet animal
Abominable ?
Hein ! Croyez-vous qu’il marque mal,
Est-il minable ?
Oh ! Quel occidental cerveau
- Si ce n’est kurde -
A bien pu enfanter ce veau
Barbare, absurde ?
Car c’est là le monstre raté,
La bête humaine
Sans vestige aucun de beauté,
Le phénomène
Le plus bizarre du Progrès :
On ne peut guère
Rêver de quelque chose après
De plus vulgaire.
Il a les pattes en cerceau,
Il est sans tête…
Avec ça peint de quel pinceau,
Par quel esthète !…
*
* *
Au premier abord, tu dirais
D'une voiture ;
Mais regardez-y de plus près,
Quelle imposture !
Le point indispensable pour
Une voiture
C'est d'avoir un cheval autour,
Je me figure...
Ce monstre tient, en vérité,
De la cuisine...
Du chalet de nécessité
Et de l'usine...
Ou, voire, de ces aveuglants
Coléoptères
Qu'à Paris promène Old England
( Vieille Angleterre ).
En quelque sorte, il ne jouit
D'aucune forme.
Il sent mauvais, il fait un bruit
Atroce, énorme.
On le nomme, en antiphrasant,
Automobile,
Parce qu'il ne bougerait, sans
Un maître habile,
Pas plus que le Trocadéro.
François Coppée
Le nomme aussi teuf-teuf, par o-
nomatopée.
Teuf, teuf teuf, teuf... son maître lui
Gratte l'oreille,
Et voilà mon animal fui
Jusqu'à Marseille.
Il court comme on sort de prison,
D'un air vorace ;
Il fait tressaillir les maisons,
De par sa masse.
S'il vous rencontre sur ses pas,
Il vous écrase :
Avec lui, c'est, n'en doutez pas,
La mort sans phrase.
L'avantage de cet outil
- Je m'en réfère -
C'est d'aller vite. Mais c'est-il
Tant nécessaire
D'aller vite ? Non, tant s'en faut,
Sur notre boule
On arrive toujours trop tôt
Où que l'on roule.
Raoul Ponchon
le Journal
20 mars 1899
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